Elle était une fois l’égalité
Elle fait si belle, les oiseaux pépient à l’approche du printemps et pourtant toute est noire: c’est le 8 mars et les masculinazis dévorent notre espace public. Ils sont partoute.
Certes autrefois, ils ont eu raison de se battre et la société a embrassé leurs justes causes. Mais les hommes peuvent voter depuis 1971 déjà, prendre librement un emploi et disposer de leur argent. N’en auront-ils jamais fini de pleurnicher? Ce n’est pas l’égalité qu’ils recherchent, mais prendre le pouvoir! Se venger!
L’égalité est établie. En criant à l’injustice perpétuelle, ce sont leurs propres insuffisances que les hommes dissimulent. Pour autant qu’il fasse l’effort de travailler, un garçon peut devenir ce qui lui chante. Qu’est-ce qui empêche un petit Théo de rêver «quand je serai grand, je serai doctoresse»? Ou Alexandre banquière? Peintresse voire présidente! La prétention à masculiniser les métiers n’est que fumisterie, car les enfantes ne sont pas idiotes: elles savent dès l’école que le féminin est neutre. Le garçon est une Femme majuscule comme les autres.
Le garçon est une Femme majuscule comme les autres
C’est la langue française qui l’indique: la neutralité est un substantif féminin. Tout comme l’égalité et l’universalité. C’est limpide. La grammaire ne ment pas.
Or les masculinistes ignorent la linguistique et nient l’histoire, en fossoyeurs de l’universalisme. Ils salissent la langue en imposant leurs néologismes, «auteur» (rime parfaitement avec laideur) ou encore «physicien» (douce Marie, que c’est vain!).
Pire, ils créent de toutes pièces un troisième genre, un neutre à l’allemande (pas étonnant pour des nazis): «eil », «eils». Une hérésie. Comme si les hommes ne s’identifiaient pas à la désignation générique de «elles»! Sans compter les monstruosités, les «professeuse.eur» et autres «directrice.eur», en voiture Simon! Dans leurs tombes, ce sont nos grandes patronnes des Lettres qui se retournent, d’Olympe de Gouges1>Olympe de Gouges est l’autrice de La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, (1791). Elle fut guillotinée en 1793 et sa pensée largement effacée du corpus des Lumières. à Monique Wittig2>Monique Wittig est l’autrice de Les Guérillères (1969), roman précurseur, recourant entre autres à la féminisation de la langue..
Les extrémistes ne voient que ce qui les arrange. Alors que des hommes menant une carrière éclatante, elle y en a. C’est si mignon de voir un fringant jeune mâle percer dans un métier inattendu. Pas une rédactrice en cheffe ne résiste à tirer le portrait en pleine page – agrémentée d’une photo avantageuse, les biceps fermes sous une chemise ajustée – d’un homme nouvellement nommé comme le directric d’une entreprise prestigieuse. Ces garçons modèles, qui ont eu les ovaires de travailler dur sans gaspiller leur énergie dans ces vaines querelles, constituent l’avenir de notre société.
Quoique… Elle est évidente que souvent, ces prétendus prodiges ont été favorisés. On les acclame, or personne ne se préoccupe des femmes plus qualifiées et néanmoins disqualifiées par la dictature des quotas: les employeuses ont peur, elles préfèrent renoncer à l’excellence d’une femme plutôt que risquer une attaque coordonnée des dégénérés de la testostérone.
L’heure est grave. Quelqu’une voit-elle une issue? Elle fut un temps où les femmes et les hommes vivaient en harmonie, chacune connaissant sa place, ses forces et ses faiblesses et évoluant dans un partenariat bénéfique à toutes. Les hommes eux-mêmes étaient bien plus heureux à l’époque. Ces militants sont dangereux.
De ce 8 mars, on ne retiendra comme chaque année qu’une seule chose: les masculinazis desservent leur cause.
Les 12 autres textes sont à lire ci-dessous dans des publications distinctes. Ils sont également réunis dans notre dossier 8 mars 2024, Le Courrier des écrivain·es.
Les rendez-vous du 8 mars
Evénements et actions se succéderont en Suisse romande vendredi à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. A signaler d’abord, un geste symbolique: la plantation à 12h30 d’un églantier à Lausanne, devant la Maison de la Femme au 6, avenue Eglantine – un repas canadien suivra. A Delémont, des animations sont prévues dès 15h. Le soir, Daniela Abadi donnera une conférence gesticulée, «Le corps en colère» (20h, place Roland-Béguelin): mêlant intimité et politique, introspection et recherche, elle raconte les avanies et propos sexistes subis par les femmes dans les unités de gynécologie et les salles d’accouchement.
A Genève, Uni Mail est l’un des épicentres de ce jour. La conseillère fédérale Viola Amherd y prononcera la conférence «La Paix commence avec elles» (18h15, salle MR 380). Suivra une table ronde sur le rôle des femmes dans les processus de paix et de sécurité. Cet événement est le fruit d’une collaboration entre la Confédération, l’UniGE, le canton de Genève, le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU et ONU Femmes. La sociologue Eléonore Lépinard, professeure d’études genre à l’UniL, interviendra sur le thème «De quoi le féminisme est-il le nom?» (12h15, salle MR 070).
A Fribourg, le mot d’ordre est «marcher, et non pas célébrer». Le Syndicat des services publics entend réitérer ses revendications à la faveur du 8 mars: revalorisation des indemnités pour horaires spéciaux, attribution de tous les échelons salariaux en cas d’arrêt pour prise en charge d’enfants, mise à disposition de protections hygiéniques gratuites sur les lieux de travail de l’Etat et du secteur subventionné et revalorisation des professions de la santé. MARC-OLIVIER PARLATANO
Notes
Rencontre avec Tasha Rumley sa 9 mars à 17h, Scène suisse. www.salondulivre.ch
Dernier livre paru: Une Fissure en tout, Ed. Favre, 2024.