En 2022, j’ai écrit pour un quotidien romand un texte sur la maternité à l’occasion de la Fête des mères. La veille de sa parution, une journaliste m’a informée que la rédaction y avait apporté une modification en supprimant un ·e: «L’écriture inclusive n’est pas autorisée dans notre journal.» «Mais je ne suis pas journaliste, lui répondis-je. Vous m’avez mandatée en tant qu’auteure, non?» «La politique de la maison est stricte», ponctua-t-elle.

J’avais en effet usé du mot invité·e, un peu par hasard, pour éviter une répétition, certes de manière naïve… mais pas militante! Je me défends du militantisme parce que je crains qu’en plaidant une cause, j’en desserve une autre. Par rapport à l’écriture inclusive par exemple, je suis ambivalente. Si je suis partisane de l’idée que chacun·e devrait être reconnu·e dans sa singularité et son identité de genre, je ne peux m’empêcher de penser à mes patients dyslexiques et dysorthographiques, qui peinent à lire et à écrire, autrement dit à comprendre et à se faire comprendre.¹>Mélanie Richoz est aussi ergothérapeute.L’écriture inclusive, extravagante et complexe, péjorerait leurs difficultés de communication et prétériterait leurs relations, leurs apprentissages et leur autonomie. Leur intégrité.

Donc voilà, je n’étais pas rageusement attachée à ce é·e, mais le fait qu’on écorne ma liberté d’expression m’a questionnée. Si une partition de musique vous déplaît, l’amputez-vous des notes qui vous importunent? Qui s’y autorise et de quel droit? Le lendemain, en découvrant mon texte publié à proximité d’un article annonçant la nomination du groupe Baron.e aux Swiss Music Awards, je me suis demandé si la rédaction lui avait suggéré une modification de nom. Et je me demande aujourd’hui si cette même rédaction accepterait ma chronique (celle que vous êtes en train de lire). Sans aucun doute: c’est la Journée des droits des femmes, non?