Édito

Presque de la torture

«Assimilable à de la torture»
Des violences ont été dénoncées en juin 2020 au centre fédéral de Chevrilles, dans le canton de Fribourg. DR
Asile

«Je demande que les requérants d’asile soient traités comme des êtres humains». La section suisse d’Amnesty a diffusé mardi soir un rapport sur les violations des droits humains dans les centres pour réfugié·es en Suisse1>«Je demande que les requérants d’asile soient traités comme des êtres humains», 19 mai 2021, 24 pages. .

Un document basé sur des interviews à la fois d’usager·ères de ces centres gérés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) mais aussi de personnes chargées de la sécurité ou du travail social. Il confirme des critiques adressées depuis de nombreux mois à l’administration et parfois dévoilées par les médias.

Le rapport d’Amnesty utilise des mots forts et parle d’abus qui, dans certains cas, «pourraient être assimilés à de la torture». Il est fait état de coups, de recours à de la contrainte physique au point de restreindre la respiration et d’engendrer une crise d’épilepsie – l’affaire George Floyd point –, d’utilisation de spray au poivre ou de privation de liberté en-dehors des règles légales. Le cas le plus extrême concerne l’utilisation d’un container comme cellule. Enfermé dans celle-ci, un requérant d’asile avait dû être hospitalisé après s’être évanoui à la suite d’une hypothermie. En clair, il était en train de mourir de froid.

Face à ces accusations, le SEM se borne à affirmer qu’il n’accepte pas de «contrainte disproportionnée». Au vu des cas énumérés, il est permis de trouver cette réponse quelque peu dilatoire. De fait, à force de dénoncer ces violations de droits humains, le SEM a été obligé –finalement!- d’ouvrir des enquêtes. Quatorze agent·es ont été suspendu·es.

C’est qu’au-delà de la privatisation de la sécurité qui a été confiée à des entreprises dont la formation n’est pas la priorité première, ces multiples dérapages révèlent aussi des procédures inadéquates. Amnesty relève que les instances pour dénoncer ces cas sont généralement inconnues et quasi-inaccessibles. Et, l’an passé, des requérant·es qui avaient porté plainte pour violences se sont vu signifier des ordres de départ. Difficile d’instruire des dossiers dans ces conditions…

L’amélioration des procédures peut être très rapidement mise en place. Ce serait un signal que cette question est prise au sérieux et que les autorités suisses s’engagent à y remédier. A défaut, notre pays risque de se retrouver sur la liste de pays qui tolèrent des pratiques relevant la torture. On se réjouira lorsqu’un quelconque Erdogan se fera un plaisir de nous le rappeler.

Notes[+]

Opinions Édito Philippe Bach Asile

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