Chroniques

La conquête de l’Ouest, version #MeToo

Les écrans au prisme du genre

Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary. Par ces temps anxiogènes de retour de crise sanitaire, il faut se précipiter, avec ou sans enfant(s), pour découvrir ce petit bijou.

Ce film d’animation français sur une héroïne du Far West est une belle réussite: Rémy Chayé et son équipe – mixte du point de vue genré, il faut le souligner – ont conçu et réalisé l’histoire imaginaire de l’enfance de celle qui est connue sous le nom de Calamity Jane. Le film reprend la tradition d’un sous-genre western, le film de convoi, qui a mis en valeur le rôle des femmes dans la «conquête de l’Ouest», comme Convoi de femmes (W. Wellman, 1951).

La version qu’en donne Calamity est typiquement post #MeToo: la fillette qui accompagne son père et ses petits frère et sœur dans un convoi pour l’Ouest (la mère est morte) doit bientôt prendre en charge sa famille après que son père s’est blessé. Elle est confrontée alors aux multiples interdits que cette petite communauté (leurs costumes évoquent les Mormons) impose aux filles. Mais elle choisit de les transgresser pour pouvoir chevaucher, manier le lasso, conduire le chariot familial à la place de son père immobilisé à l’intérieur. Elle est en butte à la fois aux sarcasmes des garçons et aux réprimandes des adultes, hommes et femmes. Parce qu’elle a coupé ses cheveux et adopté le pantalon, elle devient le bouc émissaire de la communauté et, accusée de vol, elle décide de s’enfuir pour retrouver celui qu’elle croit le vrai coupable, un soi-disant éclaireur dans l’armée qui aurait volé les objets précieux du convoi avant de disparaître. Accompagnée d’un chien qui lui sert de guide, elle fait diverses rencontres plus ou moins dangereuses, mais elle parvient à retrouver le faux éclaireur et à récupérer les objets volés. Dans l’intervalle, elle a rencontré une maîtresse femme, propriétaire d’une mine d’or, qui la prend sous son aile jusqu’à ce qu’elle puisse reprendre la route pour retrouver sa famille.

Ce roman d’apprentissage d’une fillette obligée pour survivre de devenir un garçon manqué, et qui y prend goût, adopte une esthétique magnifiquement colorée et lumineuse, en larges aplats qui évoquent la beauté des paysages de l’Ouest sous des ciels immenses. De quoi réconcilier avec le cinéma d’animation accessible aux enfants toutes les personnes (dont je suis) rétives à l’esthétique Disney… On peut seulement regretter que l’Ouest américain soit montré comme une nature vierge d’habitants ­autochtones, dans un «oubli» problématique du génocide des Indiens…

Notre chroniqueuse est historienne du cinéma, www.genre-ecran.net

Opinions Chroniques Geneviève Sellier

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mercredi 27 novembre 2019

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