Édito

Des libertés à regagner

Des libertés à regagner
Manifestation à vélo le 1er Mai dernier à Lausanne (photo prétexte). KEYSTONE
Droits politiques

Ce vendredi devait être une journée des convergences des luttes. Avec les activistes du climat et le monde du travail côte à côte pour défendre un avenir plus écologique, plus égalitaire et donc désirable. Le Covid-19 est passé par là. Et de massif, l’événement est devenu virtuel ou ponctuel. Et interdit. Même un modeste rassemblement de trente personnes sur la plaine de Plainpalais à Genève a été menacé des foudres de la loi.

Une illustration du caractère un brin illusoire des espoirs quant à une sortie de crise par la grâce d’une humanité devenue raisonnable après cet avertissement sans frais. Une sorte de resucée du déluge, version 2.0. Ces espoirs véhiculent quelque chose de quasi-religieux où la communion au sein d’une humanité rêvée tient lieu de projet politique.

Il faut au contraire s’attendre à voir revenir au galop les fondamentaux de l’inégalité de classes qui caractérise nos sociétés. Tout sera mis en œuvre pour faire payer aux revenus modestes la facture qui s’annonce salée et épargner les lieux de profit qui sont aussi ceux du pouvoir. Les travailleuses et les travailleurs sont priés de retourner à leur poste. Et en relançant la machine en consommateurs responsables. Si possible sans moufter. A Neuchâtel, les patrons se sont scandalisés qu’Unia ait demandé à ses membres d’informer leur centrale syndicale des cas de violation des règles de sécurité. Même de modestes mesures de mobilité durable prises à Genève ont fait sortir de leurs gonds populistes, milieux économiques et clubs automobiles. A les entendre, tracer une piste cyclable provisoire sur le quai du Mont-Blanc bloquerait toute chance de reprise de l’économie au bout du lac.

Cela montre surtout que ce sont bien les luttes sociales qui feront bouger les lignes de crête. Un recours a été déposé contre l’interdiction de la manifestation de ce vendredi. Admettons que ses chances d’aboutir sont modestes. Il marque surtout la volonté de reconquérir des droits démocratiques qui ont été confisqués dans un silence assourdissant.

Pour l’heure, les divers parlements – cantonaux et fédéral – ont bravement soutenu leurs exécutifs respectifs. Comme souvent, le sursaut vient de la société civile. La question des libertés publiques doit être comprise pour ce qu’elle est: un enjeu central de la lutte qui permettra d’orienter cette sortie de crise vers des valeurs de bien commun, de progrès social et même de survie climatique. A défaut, la facture sera cruelle.

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