Édito

Revanche en Bolivie

Evo Morales convoque de nouvelles élections
Evo Morales avait encore lancé samedi un appel au dialogue, rejeté aussitôt par l'opposition. KEYSTONE
Bolivie

Coup de tonnerre (ou d’Etat): le président bolivien Evo Morales a démissionné hier en fin d’après-midi (22h en Suisse). Confronté depuis trois semaines à un mouvement de plus en plus insurrectionnel, l’ancien syndicaliste cocalero avait tenté plus tôt dans la journée d’apaiser la situation en annonçant de nouvelles élections et la rénovation complète du Tribunal électoral. Sans parvenir à calmer la fronde menée par la droite radicalisée.

De fait, Evo Morales s’était engagé à renoncer à sa réélection controversée au premier tour si la révision du décompte électoral effectuée sous l’égide de l’Organisation des Etats américains (OEA) démontrait des irrégularités. Le rapport préliminaire de l’OEA annoncé dimanche allant dans ce sens, M. Morales en avait tiré les conséquences.
Mais un second coup de poignard l’attendait dans l’après-midi: le chef de l’armée «suggérait» sa démission. Confronté aux violences d’extrême droite et aux mutineries de policiers, il avait le choix entre la guerre civile et la démission.
Le vice-président ayant également renoncé, il était impossible à l’heure où nous mettions sous presse de savoir qui allait reprendre la conduite des institutions. Une certitude, toutefois, doublée d’une inquiétude profonde: ce renversement a été longuement préparé par une frange antidémocratique de la bourgeoisie bolivienne. Qui sort aujourd’hui terriblement renforcée de ces événements.

Comment expliquer sinon que le second de M. Morales à la présidentielle n’ait jamais voulu reconnaître le recomptage des voix par l’OEA, une institution pourtant alignée de longue date sur Washington? Le programme de l’opposition était tout autre: profiter de la polémique électorale pour se débarrasser d’Evo Morales par tous les moyens. Ulcérée d’avoir perdu le pouvoir politique durant plus d’une décennie, elle n’allait pas prendre le risque de perdre sur le fil lors d’un second tour incertain.

Incarnée par le patron du «Comité civique» de Santa Cruz, l’entrepreneur Luis Fernando Camacho, dont le discours ultraconservateur et religieux n’est pas sans rappeler un certain Jair Bolsonaro, cette Bolivie blanche et citadine a senti que l’heure de la revanche avait sonné. Depuis trois semaines, les murs des villes, particulièrement à l’est, se couvrent des mêmes graffitis haineux qu’il y a une douzaine d’années, lorsque les régions de l’Oriente tentaient de faire sécession de la Bolivie de l’Indio Morales.

Additionnant les mécontentements sectoriels, dont ceux d’une police notoirement corrompue, cette droite raciste et classiste a envoyé ses troupes incendier les bâtiments publics et les domiciles privés de leurs adversaires. Et réclamé de l’armée la dissolution des pouvoirs constitutionnels dans une junte provisoire. Un programme qui dévoile le vrai visage de ces milieux: au-delà de l’identité du président, leur ambition est d’en finir avec cet Etat plurinational qui a donné une place à tous les Boliviens. Un héritage social, démocratique et culturel qu’il s’agit aujourd’hui de revendiquer pour que la Bolivie ne devienne pas un second Brésil.

Opinions Édito Benito Perez Bolivie

Autour de l'article

Démocratie malmenée

jeudi 24 octobre 2019 Benito Perez
«Tout ce qui pouvait être mal fait l’a été.» La remarque d’une internaute bolivienne dépitée résume le pataques électoral que vient de vivre son pays. Quatre jours après la clôture du scrutin...

Connexion