Chroniques

Assassin et lâche

AU PIED DU MUR

Le soldat Elor Azaria condamné à dix-huit mois de prison pour avoir tué un Palestinien déjà neutralisé et grièvement blessé. Selon l’éditorialiste du quotidien Haaretz (22 janvier 2017), la sentence «n’est pas seulement une capitulation face au populisme de droite… Elle signifie, dans une large mesure, la fin de l’ère de la pureté des armes dans Tsahal, qui permettait aux politiciens d’être fiers de Tsahal et de le caractériser comme ‘l’armée la plus morale du monde’».

Drôle de concept que celui de «pureté des armes» dont s’est toujours revendiquée l’armée israélienne: des armes peuvent-elles être pures? Derrière cette expression vieille comme les forces armées israéliennes, il y a la prétention de ne se servir de son arme que pour de nobles motifs: protection de la nation, autodéfense. Un mythe mensonger qui sévit au cœur de la culture israélienne.

Dans les faits, cette sentence ridicule contredit l’acuité du verdict du même Tribunal militaire qui, il y a quelques mois, avait su trouver des mots forts et justes pour condamner le comportement du sergent Azaria. Tout se passe comme si, au final, le verdict exprimait un compromis entre la fermeté et le désir de flatter une partie de l’opinion publique et de la classe politique, histoire que tout le monde y trouve son compte.

Pourtant, poursuit l’éditorial du Haaretz, «une armée qui condamne à dix-huit mois de prison un soldat qui a tué un terroriste blessé à mort montre le peu de cas qu’elle fait de la vie humaine, et fait passer un message menaçant à la population palestinienne des territoires sur la légèreté avec laquelle les soldats chargés de l’ordre se servent de leur arme, sachant que leur hiérarchie ne leur demandera pas trop de comptes».

Laissons de côté le bavardage mystificateur sur la prétendue moralité de l’armée israélienne qui, il n’y a pas si longtemps, massacrait des milliers de civils à Gaza. Si j’étais Netanyahou, plutôt que de dénoncer la «sévérité» dont le Tribunal militaire avait fait preuve pour décrire le comportement criminel du sergent Elor Azaria, je m’inquiéterais non pas de la moralité de l’armée, mais de la lâcheté de ses soldats. Un homme armé qui tire sur un blessé à terre est d’abord un lâche. Or, comme l’a souligné la journaliste Amira Hass dans le même Haaretz, ce type de comportement est loin d’être exceptionnel. L’hybris, ce sentiment d’omnipotence, engendre la brutalité, mais souvent aussi la couardise.

On l’a vu lors de la dernière guerre du Liban où, confrontés à de vrais combattants, de nombreux soldats et officiers israéliens ont lamentablement paniqué. Quand on passe l’essentiel de son service militaire à s’en prendre à des civils sans défense, voire à des blessés neutralisés, quand on est fort contre des faibles, on devient totalement inefficace face à un adversaire qui sait se défendre. Une armée de lâches du type Elor Azarya sera de moins en moins efficace contre de vrais soldats ou des combattants bien entraînés et motivés comme ceux du Hezbollah. C’est ce qui explique sans doute pourquoi l’état-major a été beaucoup moins laxiste et tolérant que Benjamin Netanyahou face à Elor Azaria et son crime.

Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

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