Un problème familial, lié au genre, économique, climatique, politique, la guerre: chacun·e est parti·e de chez soi avec une plaie ouverte, physique ou psychologique. Ces personnes ont ensuite affronté le désert, la mer, le racket, le viol, l’esclavage, la police, la peur – autant de nouvelles plaies ouvertes. Elles sont arrivées en Suisse, au «pays des droits de l’homme» pour y trouver refuge. Mais là encore, l’attente, les humiliations et parfois les refus se sont multipliés pour ouvrir de nouvelles plaies.
Un grand nombre de réfugié·es sont suivi·es par un·e psychiatre quand nous les rencontrons à Genève. Certain·es arrivent ici à la fin d’un périple si éprouvant qu’elles et ils doivent recourir aux médicaments, parfois à une hospitalisation pour faire face aux séquelles que leur parcours leur a laissées. Il y a aussi celles et ceux abîmé·es par le système d’asile helvétique lui-même. Notamment l’attente pour obtenir des réponses à leur demande d’asile, qui peut durer des mois, voire des années. Cela signifie que, pendant tout ce temps, elles ou ils font face à des obstacles importants pour accéder à un emploi ou à une formation, sont spolié·es du droit à un regroupement familial, autrement dit privé·es d’avenir.
Puis arrive parfois une décision de refus de l’asile, soit l’obligation pour le ou la requérant·e de quitter la Suisse. La procédure d’expulsion commence. A 4 heures du matin, une dizaine de policier·ères entrent dans votre chambre. Vous demandent de prendre vos affaires en vitesse et de les suivre. Si vous montrez de la résistance, les forces de l’ordre vous entravent. Si vous avez des enfants et que vous êtes entravé·es, elles se chargent de les embarquer également. Voilà ce qui va se dérouler derrière les murs du Centre fédéral d’asile du Grand-Saconnex pour une grande partie des personnes qui y seront parquées. Il suffira à la police de les pousser sur le tarmac, en bordure duquel se trouve le centre. Tout cela à l’abri des regards.
Le CFA du Grand-Saconnex n’est pas comme n’importe quel autre CFA: c’est un centre d’expulsion. Ce lieu place les personnes réfugiées en position de départ; elles sont sur la rampe de lancement. Y parquer les personnes à expulser, leurs enfants compris, que ce soit pour une semaine, deux mois ou cent quarante jours [la durée maximale de séjour dans un CFA], c’est ajouter à l’expulsion une pointe de cruauté qui restera sans doute ineffaçable de la mémoire de celles et ceux qui passent par le Grand-Saconnex, qui auront vu, entendu et respiré les avions à longueur de journée.
Pour nous, militant·es qui rencontrons et accompagnons les requérant·es d’asile, comment continuer à dire «non au CFA» maintenant qu’il est là, prêt à fonctionner?
En allant à la rencontre des personnes hébergées dans ce centre, que ce soit pendant leurs déplacements en ville ou devant le CFA lui-même. En les aidant à dénoncer les violences subies et à échapper aux renvois. En demandant leur soutien aux juristes, aux médecins, aux député·es locaux et fédéraux. En allant aussi à la rencontre de celles et ceux qui travaillent dans ce lieu malsain au point de rendre malades même les professionnel·les pensant pouvoir venir en aide aux réfugié·es dans un cadre destiné à violenter et à contrôler. En rendant public ce qui se passe derrière les murs du CFA. En forçant les autorités cantonales et fédérales à voir leur CFA en face.
Non, nous ne lâchons rien et profitons de cette dernière chronique pour appeler celles et ceux qui le désirent à nous rejoindre dans nos activités diverses, où chacune et chacun peut trouver une participation à sa convenance.
Non au CFA!