Le rail déraille
Le rail peut aussi s’offrir de belles sorties de route. L’Office fédéral des transports (OFT) a dû piteusement confirmer jeudi une information révélée par la NZZ: le projet d’extension du réseau ferroviaire prévu d’ici l’horizon 2035 coûtera plus cher que prévu, près de 30 milliards en lieu et place des 16,5 milliards annoncés. Soit un surcoût de 14 milliards. Après la bourde sur les coûts de l’AVS, c’est de nouveau la gouvernance de la Confédération qui est questionnée.
La communication de l’OFT est pour le moins laconique et sent bon la langue de bois technocratique. La charge pour certaines voies supplémentaires, des adaptations de tronçons et de nouvelles installations de garages expliqueraient une bonne partie de cette explosion des coûts. C’est un peu court pour un quasi-doublement de la facture.
Le financement de ce surcoût n’est évidemment pas assuré. Dans son plan d’économies, le Conseil fédéral a même prévu de couper 200 millions de francs par an sur ce poste. Le risque est grand que la Suisse romande se retrouve de nouveau dans le rôle du dindon de la farce. Une situation d’autant plus problématique que les horaires ont d’ores et déjà été détériorés en vue de cette extension du réseau ferroviaire.
OuestRail, le lobby du rail romand, a tiré la sonnette d’alarme. Plusieurs projets sont menacés: l’amélioration de l’offre dite du Pied-du-Jura (avec quatre trains par heure dont deux circulant en direction de Lausanne et deux en direction de Genève), la diminution du temps de parcours entre Lausanne et Berne et la réalisation par étape de la nouvelle ligne Lausanne-Genève. Quid aussi des indispensables extensions des gares de Lausanne et de Genève, qui craquent de toute part? Ce pavé dans la mare va impliquer une sérieuse introspection. Et des priorités vont devoir être redéfinies. La Suisse se préparait à injecter 5 milliards de francs pour élargir les autoroutes. Heureusement, le projet a été refusé en votation dimanche. Son utilité ne sautait pas aux yeux et ne résolvait en rien les problèmes de saturation du trafic aux entrées des villes.
Même s’il ne s’agit pas de vases communicants, sur le plan politique, la question du rapport coût/utilité de ces investissements routiers se pose. Il faut être en mesure de fixer des priorités en fonction notamment de la crise climatique. C’est sans doute la seule bonne nouvelle de ce pataquès: le réel nous rattrape. Autant qu’il le fasse suffisamment tôt pour qu’il soit possible de repenser nos politiques de mobilité en fonction de cette nouvelle donne.