Édito

L’autorité doit entrer dans la danse

L’autorité doit entrer dans la danse
La parole des danseuses s'est libérée, grâce à l'effet MeToo. KEYSTONE/PHOTO PRÉTEXTE
Abus sexuels

Figure importante de la danse, un chorégraphe romand se retrouve depuis plusieurs semaines sous les feux de la rampe. Condamné en première instance à cinq mois de prison avec sursis pour acte d’ordre sexuel sur personne incapable de résistance, l’intéressé a fait recours. Après Le Temps mercredi, Le Courrier publie une série de témoignages dont certains intéresseront la justice.

Cette affaire pose plusieurs questions. Et met en évidence un effet MeToo: les danseuses qui dénoncent des comportements inappropriés seraient-elles sorties du bois il y a quelques années? Peut-être, mais on sent tout de même qu’une parole s’est libérée.

La danse – et son rapport très particulier au corps – est sans doute un secteur à risque. Mais pas qu’elle. Dans le monde culturel, les projets portés par un·e leader charismatique sont souvent la règle. L’image de l’artiste adulé reste solidement ancrée. Et repose sur une certaine réalité. Mais cela n’empêche nullement de se doter de garde-fous pour éviter que ces positions dominantes soient utilisées pour assouvir des pulsions sexuelles.

En cela, la galaxie culturelle est sans doute un avant-poste où ces pratiques peuvent s’exacerber. Mais les mécanismes de domination ne sont évidemment pas cantonnés à ce champ. Le sport d’élite, par analogie, est aussi un lieu où une vigilance accrue s’impose. Même carrière courte, même exigence d’excellence, même rapport au corps, même dépendance à des figures d’autorité. Et, plus largement, est-il plus facile de résister à un employeur tout puissant qu’à un chorégraphe? L’affaire de la compagnie Alias représente une mise en abyme de nos rapports sociaux inégaux.

Dans le cas d’espèce, les autorités subventionnantes semblent bien avoir été averties. Sans que rien ne se passe. Du coup le communiqué de la Ville de Genève diffusé jeudi et qualifiant de «glaçants» les témoignages rapportés par la presse prennent une saveur amère. On nous annonce une enquête indépendante. Tant mieux, même si c’est un peu tard.

Les autorités ont manqué de réactivité, pour utiliser un euphémisme, il leur appartient de pallier leurs manques. Des mécanismes de protection doivent rapidement être créés. Imposer des audits réguliers sur cette question aux compagnies serait un moyen de prévenir des telles situations dramatiques. Il faudra sans doute être un peu plus pro-actif que de créer une hotline, comme cela est évoqué, pour recueillir d’éventuelles plaintes.

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