Chroniques

Quarante-cinq ans de la révolution des œillets

L'histoire en mouvement

2019 est l’année de la célébration du 45e anniversaire de la Révolution des œillets, débuté le 25 avril 1974; sans doute le moment le plus emblématique de l’histoire récente du Portugal. La révolution ouvre la porte à l’indépendance de certaines des dernières colonies sur le globe et à une courte période d’effervescence révolutionnaire. Malgré l’impasse et les revers auxquelles il a pu mener, le 25 avril continue d’être une référence pour les luttes actuelles.

La Première République au Portugal, instaurée à la suite de la chute de la monarchie en 1910, constitue une première période d’instabilité politique qui s’achève par le coup d’Etat militaire en 1928. Cet événement ouvre la voie à l’implantation d’une dictature fasciste dont la figure centrale est Antonio de Oliveira Salazar, d’abord ministre des Finances puis chef du gouvernement.

La dictature dure au total quarante-huit ans, condamnant le peuple à la pauvreté et à la répression politique. Les inégalités augmentent et les classes dominantes assurent leur contrôle sur l’économie.

Dans le même temps, les libertés fondamentales sont suspendues, la censure est imposée et les partis politiques et syndicats sont interdits, à l’exception bien sûr des organisations officielles du régime. Ces mesures sont prises sous l’égide d’une idéologie particulièrement conservatrice qui réprime toute opposition, débouchant sur des vagues migratoires massives.
Malgré ce contexte, une résistance ouvrière et paysanne s’organise dans la clandestinité, sous l’égide notamment du Parti communiste portugais (PCP), considéré dès le départ par la dictature comme son principal ennemi, et également par les Comités de lutte anticoloniale (CLAC). Un nombre important de ces militants sont emprisonnés, torturés et assassinés.

Cette répression interne se conjugue à la guerre coloniale: dans les années 1960, des mouvements d’indépendance émergent en effet dans les colonies portugaises en Afrique, principalement en Angola, en Guinée-Bissau et au Mozambique. Les mouvements de libération nationale, s’opposant à la volonté implacable de Salazar de maintenir cet empire colonial anachronique, se lancent dans la lutte armée. Les coûts de la guerre coloniale ne cessent alors d’augmenter, que ce soit sur le plan humain ou matériel, ce qui finit par être fatal à la dictature.

Tous ces éléments participent à l’érosion de la dictature fasciste, désormais menée par Marcelo Caetano à la suite des problèmes de santé de Salazar. Caetano offre des semblants d’ouverture à la participation démocratique, qui sont toutefois loin d’être suffisants. Le mécontentement va grandissant, y compris au sein de l’armée: après de nombreuses tentatives infructueuses de soulèvements en son sein, le Mouvement de capitaines d’avril parvient, à Lisbonne, à renverser le régime fasciste le 25 avril 1974.

L’insurrection ne débouche que sur peu d’affrontements. La population sort massivement dans les rues, offrant des œillets aux soldats et créant ainsi le symbole de la Révolution. Les prisonniers politiques sont libérés et des milliers de personnes reviennent de leur exil.

A la chute de la dictature succèdent un gouvernement provisoire et une période de grande effervescence révolutionnaire, constituée notamment de nationalisations des secteurs clés de l’économie, d’une réforme agraire et d’autres mesures qui culminent dans la nouvelle constitution de 1976, un document progressiste qui tente d’asseoir les bases d’une société plus juste. Les femmes jouent un rôle prépondérant dans ce ­processus.

En parallèle les colonies portugaises obtiennent leur indépendance, libérant ainsi le continent africain formellement du joug colonial.

Néanmoins, l’offensive contre-révolutionnaire est à l’œuvre, y compris avec le soutien de puissances impérialistes. Des partis et des personnalités qui participèrent de manière opportuniste à la vague révolutionnaire, sous les dénominations de «socialistes» ou de «sociaux-démocrates», tentent de freiner et d’inverser la dynamique du changement social dans le pays.

Actuellement, le Portugal fait face à des déséquilibres, tant économiques et sociaux que politiques, hérités de la dictature fasciste et de politiques néolibérales imposées par l’Union européenne avec l’aval des élites au pouvoir. Cependant, la lutte pour une société plus égalitaire reste à l’ordre du jour; commémorer le 25 avril y contribue.

A cette occasion, nous vous invitons à une discussion sur le bilan de cet événement et sur le rôle des femmes dans la révolution avec l’historienne Irene Pimentel, et à la projection du documentaire Bom Povo Portugués de Rui Simões.

27 avril 2019, 14h, salle d’UNIA, chemin de Surinam 5, Genève.

L’association L’Atelier – Histoire en mouvement, à Genève, contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation des peuples opprimés, des femmes et de la classe ouvrière, par l’organisation de conférences et la valorisation d’archives graphiques, info@atelier-hem.org

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