Petits meurtres entre amis
C’est à une toute petite majorité que le Parti libéral-radical (PLR) a accordé sa confiance à Pierre Maudet, mardi soir lors de l’assemblée extraordinaire de la formation. Le magistrat, qui avait misé sur la base pour désavouer le comité directeur, a gagné son pari et s’appuiera sur cette victoire pour s’accrocher encore à son poste de conseiller d’Etat. Mais à quel prix pour sa famille politique? Avec un résultat si serré, la perspective de recoller les morceaux semble un mirage.
A l’applaudimètre et aux coups de sifflets indignés, la division que vit la formation s’est cruellement matérialisée à Uni-Dufour. Entre les «J’accuse» lancés à la présidence pour «avoir lâché» Pierre Maudet et les amis du magistrat déçus, érigeant le mensonge en ligne rouge sans retour, plusieurs personnalités ne s’y sont pas trompées, appelant la formation à tout faire pour conserver l’unité, quelle que soit l’issue de la soirée.
Mais voir les militants et les personnalités choisir tour à tour leur camp aura surtout permis à Pierre Maudet de mesurer à quel point il a affaibli et meurtri sa formation politique. Comme dans tout drame familial, celui-ci a donné lieu à beaucoup de tristesse, à de la colère, de la déception et des règlements de comptes. Beaucoup ont regretté d’avoir à choisir entre pousser le magistrat à quitter son poste ou désavouer le comité directeur. La présidence avait promis dans ce cas de démissionner.
Le premier parti de Genève risque donc d’entamer l’année électorale décapité, tout en devant continuer à composer avec un magistrat affaibli, poursuivi par la justice et coupable de mensonge. Ainsi, le PLR apparaît, du moins à une courte majorité, comme une formation prête à passer l’éponge à un menteur placé au plus haut niveau de l’Etat, ayant sciemment élaboré une fable servie à la justice, aux autorités politiques et à la population! On peut pronostiquer que le parti le payera cher dans les urnes. En politique, transiger avec les valeurs a un coût.
Au-delà du risque électoral à Genève, le PLR national doit maintenant vivre avec l’assurance que Pierre Maudet peut causer des dégâts collatéraux au-delà de son canton. Par ailleurs, la dysharmonie continuera au sein du Conseil d’Etat autour d’un ministre en sursis et privé de la majorité de ses prérogatives.
La population genevoise, du moins une partie, se dit qu’elle a surtout assisté à une imposture puisque le PLR ne peut prétendre à lui seul refléter le corps électoral. Car c’est lui qui avait accordé sa confiance à Pierre Maudet quand il apparaissait encore comme intègre. Et c’est donc le peuple, avant le PLR, qui a été trahi et qui devrait pouvoir se prononcer sur un homme prêt à tout brûler autour de lui pour sauver sa personne.