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Quel redressement pour l’industrie automobile américaine?

ÉTATS-UNIS • Après les pertes énormes enregistrées en 2008 par le secteur automobile, l’Etat a mis la main au porte-monnaie, en contrepartie d’une politique salariale revue à la baisse. Avec un syndicat ouvrier dans le rôle du propriétaire…

En 2009, les constructeurs automobiles américains General Motors (GM) et Chrysler (qui forment avec Ford les Big Three de Detroit) se sont placés sous la protection de la loi américaine sur les faillites, le fameux «chapitre 11» qui permet peu ou prou à de grandes entreprises de repartir à zéro tout en ayant renégocié des concessions, en particulier de la part des travailleuses-eurs. Ces constructeurs n’avaient plus de liquidités pour faire face à leurs obligations (ainsi, GM déclarait une perte de 30 milliards de dollars en 2008). En outre, la chute des ventes de voitures aux Etats-Unis (de 16,2 millions en 2007 à 10,1 millions en 2009), l’augmentation du prix de l’essence, une économie moins redistributrice et la raréfaction du crédit à la consommation ont précipité leur chute. Malgré la réduction de la production (de 10,4 millions de voitures produites en 2007 à 5,6 millions en 2009) et la suppression de centaines de milliers d’emplois, GM et Chrysler n’ont pu redresser la situation.

Face à l’écroulement programmé de GM et Chrysler, le gouvernement fédéral, sous la présidence de George W. Bush, a mis en place un mois avant son remplacement par l’administration Obama un programme d’assistance financière aux deux constructeurs. A cette assistance financière sous forme de prêts était liée toute une série de clauses de restructuration touchant le management, les investisseuses-eurs, les créancières-ers et les employé-e-s. Ces dernières-ers devaient renoncer à certains acquis, accepter des baisses du salaire horaire et des conditions de retraite, un financement moindre des prestations de santé ainsi que la fermeture de plusieurs usines. L’Etat fédéral aura injecté en tout environ 50 milliards de dollars dans GM et plus de 10 milliards dans Chrysler.

Un autre changement structurel de taille concerne l’actionnariat de ces deux entreprises, qui a été complètement modifié lors du processus de restructuration: le syndicat des ouvriers de l’automobile américains (UAW) devenant, à travers son fonds d’assurance santé, l’actionnaire majoritaire de Chrysler (67,7% en 2009, puis 41,5% fin 2011, Fiat devenant l’actionnaire majoritaire) et de GM, à hauteur de 17,5% en 2009. De manière étrange, alors que les travailleuses-eurs ont fait les plus gros sacrifices, ils se retrouvent en position de propriétaires. A ce titre, le président de l’UAW déclarait au moment de la renégociation d’accords salariaux que l’UAW «ne considère plus le management de Chrysler, GM et Ford comme des adversaires, mais comme des partenaires». Un nouveau genre de syndicalisme néolibéral?
 

* Texte paru dans Pages de gauche n° 112, juin 2012. www.pagesdegauche.ch

Opinions Agora Mathieu Gasparini

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