Trente ans déjà. La Commission fédérale contre le racisme a fêté mercredi ses trois décennies de lutte contre le fléau qu’est la discrimination raciale. Cet organisme extraparlementaire a été mis en place dans la foulée de l’adoption par le peuple, en 1994, de l’article 261bis du Code pénal. L’occasion pour cette structure indépendante de plaider pour un élargissement du champ de compétence de la législation, via la création d’une loi générale sur l’égalité de traitement.
Car, dès le départ, l’article 261bis a été construit dans une vision étroite. Il n’a d’ailleurs été adopté qu’à une majorité de 55%, certes confortable, mais on ne peut pas parler du plébiscite qu’on serait en droit d’attendre sur un sujet aussi évident en matière de droits démocratiques. Cette vision restrictive garantissant la liberté d’expression a peut être permis de rassurer. L’élargissement de cet article aux discriminations infligées en fonction des orientations sexuelles, attaqué par référendum par l’extrême droite udéciste, a été accepté en 2018 par 63% des votant·es. Huit points de plus.
De bon augure pour ce projet de nouvelle extension légale au racisme systémique. Car les discriminations sont nombreuses et passent sous le radar. Un sondage réalisé l’an passé a mis en évidence que 17% des personnes interrogées estimaient avoir été victimes de discrimination raciale au cours des cinq dernières années.
Avec des domaines particulièrement sensibles comme l’accès à l’emploi ou au logement. Et le caractère limité de l’article 261bis pose des problèmes de taille. Pour qu’un acte raciste aboutisse à une condamnation, il faut qu’il soit dirigé contre une personne ou un groupe protégé. Résultat: en 2014, le Tribunal fédéral a jugé que traiter un requérant d’asile algérien de «cochon d’étranger» et de «sale requérant» ne tombait pas sous le coup de la loi car ne visant pas une race, une ethnie ou une religion précise…
Une loi n’est bien sûr pas suffisante pour extirper le racisme des mentalités. Mais elle peut aider à faire évoluer les consciences. L’acquittement il y a deux semaines de l’ex-président de l’UDC zurichoise, qui avait essentialisé les Erythréens en les traitant de «criminels violents non intégrables», a été obtenu pour des raisons de vice de procédure. Le Ministère public s’était contenté d’un service minimum. Avec une loi plus précise, il aurait peut-être fait montre de l’assiduité qu’on était en droit d’attendre de lui. Et l’inquiétante série de morts de personnes noires à la suite d’interventions policières dans le canton de Vaud ne laisse pas d’inquiéter. Là-aussi, l’existence d’un racisme systémique au sein des forces de l’ordre mérite d’être questionnée avec vigueur.