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Un Conseil fédéral «très suisse»

La légitimation par la présidente de la Confédération du discours extrémiste du vice-président de Trump, J.D. Vance, à Munich, ravive une «longue tradition de la Suisse officielle: une complaisance molle, intéressée et soumise avec les pires régimes existants», selon Nils de Dardel.
Berne

Lorsque Karin Keller-Sutter déclare que les déclarations du vice-président [Vance] à Munich sont «dans un sens très suisses», elle se réfère à une longue tradition de la Suisse officielle: une complaisance molle, intéressée et soumise avec les pires régimes existants.

Elle déterre ainsi, apparemment sans le vouloir, le fantôme de Pilet-Golaz [Marcel, radical vaudois, conseiller fédéral de 1928 à 1944]. Celui-ci, en 1940, lorsque la France a capitulé face à l’Allemagne nazie, s’est lancé dans un discours radiodiffusé, annonçant aux Suisses que les temps avaient changé, qu’il fallait une «renaissance intérieure» et que «chacun d’entre nous doit se dépouiller du vieil homme». Il en appelait à la discipline et annonçait des «décisions prises d’autorité».1>Daniel Bourgeois, «Le changement politique après la défaite française de 1940», in Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2009. En bref, il s’inclinait publiquement et idéologiquement devant l’Allemagne nazie à l’image de Pétain. On connaît la suite: une collaboration étroite aux plans économique, monétaire et bancaire avec l’Allemagne nazie. Une collaboration antisémite non déguisée, consistant à empêcher les réfugiés juifs de franchir la frontière suisse. La Confédération a ainsi contribué à faciliter la Shoah.

La Suisse officielle a aussi été un des derniers Etats à ménager l’Afrique du Sud de l’apartheid, avec laquelle elle entretenait de fructueux liens économiques. La Confédération, pendant les années 1970-80, a soutenu sans scrupule l’Etat raciste et criminel du Rwanda, qui était la «vitrine» de son aide au développement. Elle a complètement raté la prévention du génocide de 1994. Ensuite, elle a abandonné le Rwanda nouveau, dont les dirigeants avaient mis fin seuls (!) au génocide.

Aujourd’hui, la Suisse n’est toujours pas dans le camp digne et honnête des adversaires des génocides. Elle est suiviste, toujours molle et intéressée, de l’activité criminelle et génocidaire du gouvernement israélien contre les Palestiniens. Les bonnes affaires économiques et militaires avec Israël priment pour l’establishment helvétique.

Dans l’actuelle configuration mondiale, les grands impérialismes s’intimident réciproquement et s’affrontent ouvertement. Avec Trump, les Etats-Unis ne cachent même pas leur volonté de mettre la main sur des territoires entiers comme Gaza, l’Ukraine, le canal de Panama et le Groenland. Les gouvernants suisses, face à cette tragédie, se soucient surtout de se soumettre aux exigences des dominateurs de la lugubre période.

Notes[+]

*Avocat, ancien conseiller national.