Édito

Un alibi politique

Un alibi politique
A regarder les chiffres de plus près, les petit·es patron·nes seront loin d’être les gagnant·es de la réforme voulue par le camp bourgeois. KEYSTONE / IMAGE D'ILLUSTRATION Ein Baecker nimmt am 16. April 2014 im Keller der Baeckerei "Hirschi Beck" in Bern frisch gebackenes Brot aus dem Ofen. Zwischen Mitternacht und Morgen wird in der Backstube im Keller alles gebacken, was tagsueber im Laden darueber von "Hirschi Beck" verkauft wird. Manchmal wird es in der Backstube sehr warm. Hirschi Beck versucht bei ihrer Produktion moeglichst auf lokale Lieferanten zurueckzugreifen. (KEYSTONE/Gaetan Bally)
Votation cantonale genevoise

La droite a ses mythes auxquels elle tient fort, mais en lesquels elle semble de toute évidence ne pas croire. En vue du scrutin genevois du 22 septembre sur l’imposition dite «de l’outil de travail», c’est l’image du «petit patron» qu’elle agite frénétiquement. Ce petit artisan boulanger, coiffeur, menuisier que l’Etat assassine à coups d’impôts.

Pourtant, à regarder les chiffres de plus près, les petit·es patron·nes seront loin d’être les gagnant·es de la réforme voulue par le camp bourgeois. La preuve: sur les quelque 4300 contribuables qui bénéficieraient d’un allégement fiscal, 23 grandes fortunes profiteraient à elles seules d’environ 11 millions de francs d’abattement annuels, sur les 30 millions de manque à gagner chiffré par le Canton. Pour ces 23 fortunes, cela reviendrait à près de 500’000 francs d’économie chacune.

De qui s’agit-il? Le Département des finances ne dit rien. On peut toutefois supposer que votre plombier, votre coiffeur ou votre boulangère ne figurent pas sur la liste. Ils et elles font plutôt partie des 4277 autres contribuables qui ne verront leurs factures s’alléger que de quelques centaines de francs par an. Ce qui, entendons-nous, est loin d’être négligeable quand on peine à joindre les deux bouts. Mais la droite aurait pu aller bien plus loin dans sa réforme si son objectif était vraiment d’aider les petites gens. Notamment en acceptant les amendements proposés par la gauche visant à ce que les artisan·es soient davantage allégé·es fiscalement, et que les très grosses fortunes le soient moins.

On pourrait presque pardonner aux nantis d’avoir refusé ce rééquilibrage, au vu de l’illusion tenace qui grève leur esprit: celle qui veut qu’en imposant toujours moins les très riches, ces dernier·ères créeront toujours plus d’emplois et insuffleront toujours plus au canton cette soi-disant vitalité économique qui les habite. L’ultralibéralisation de l’économie mondiale, en marche depuis les années 1980, démontre le contraire. Lorsque l’on concentre les capitaux, il ne reste plus que les problèmes pour ruisseler: stress au travail, affaiblissement des services publics, érosion du vivant, la liste est longue.

Dans cette campagne acharnée, les petit·es patron·nes ont donc pour la droite tout d’un alibi politique, d’une figure affective bonne à emporter l’assentiment populaire. Ne nous leurrons pas, cette réforme n’est qu’un cadeau empoisonné. Un de plus sur la série que le camp bourgeois a pondu depuis son retour aux manettes l’année passée. La visée est presque toujours la même: moins d’impôts pour moins d’Etat. Il faut dire que leur économie s’en porte bien, la nôtre en revanche…

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