Édito

Mixité, cohésion, solidarité

Mixité, cohésion, solidarité
Le projet CO22, attaqué par référendum, instaurerait des classes mixtes en 9e et 10e, dont certains cours comprendraient des niveaux, puis deux voies en 11e, une gymnasiale et une autre amenant aux CFC. KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
Cycle d’orientation

Treize ans après le plébiscite du retour des sections au Cycle d’orientation (CO), Genève est à nouveau appelé aux urnes pour réformer cet ordre d’enseignement. Le projet CO22, attaqué par référendum, instaurerait des classes mixtes en 9e et 10e, dont certains cours comprendraient des niveaux, puis deux voies en 11e, une gymnasiale et une autre amenant aux CFC.

L’actuel mal nommé «nouveau CO» avait en fait exhumé les sections. Il se voulait une voie consensuelle entre deux initiatives aux antipodes. L’une généralisait l’hétérogénéité qui avait cours à satisfaction dans trois établissements. L’autre multipliait les filières étanches.

Pour sortir de cette guerre scolaire, le conseiller d’Etat socialiste Charles Beer et les partis avaient inventé un système de réorientation pour rendre les filières perméables. Au passage, l’initiative pour l’hétérogénéité avait été retirée, par crainte d’enterrer définitivement ce concept.

Genève s’est offert une paix scolaire de près de dix ans. Le prix? Les élèves les plus en difficulté ont été ségré-gué·es dans des classes ghettos, alors que la recherche a démontré que retarder l’orientation au moyen de l’hétérogénéité bénéficie aux plus faibles sans prétériter les autres.

CO22, bien sûr, comporte des défauts. Une 9e complètement hétérogène aurait davantage enlevé la pression de la sélection sur l’école primaire. Quant au parcours en deux ans pour l’élite proposé par la nouvelle loi, il contredit le principe même de solidarité entre élèves. Enfin, la mixité n’offrant pas une baguette magique, d’innovantes mesures de soutien seront nécessaires. Dommage que ce volet en soit seulement à l’état de pistes de travail.

Toutefois, faire la fine bouche ne permettra pas de peaufiner ce projet de mixité. Les référendaires nostalgiques des anciens Cycles hétérogènes commettent une faute politique en s’alliant au PLR et à l’UDC. Car un non consacrera la vision classiste et ultracompétitive de l’école et de la société portée par cette droite néolibérale. Dont la seule proposition consiste à exempter les élèves les plus en difficulté des exigences du Plan d’étude romand. C’est-à-dire institutionnaliser l’abandon de fait de ces jeunes aujourd’hui et s’en satisfaire. Maintenir les plus faibles à la marge pour parer un nivellement par le bas fantasmé: c’est entre deux visions du monde que Genève tranchera.

Reste la crainte, légitime, de ne pas pouvoir différencier l’enseignement en fonction du niveau des élèves. C’est pourtant l’essence même du métier. Et le pain quotidien à l’école primaire, dans des classes à 24 élèves, souvent en double degré, tenues par des généralistes, là où les spécialistes de leur discipline, au Cycle, géreront des classes à 18.

L’échec actuel poussera-t-il Genève sur une voie moins compétitive? La tentation d’un vote sanction contre Anne Emery-Torracinta plombera-t-elle sa réforme? Attention à ne pas se tromper de combat.

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Votation cantonale genevoise du 15 mai 2022

lundi 2 mai 2022
La population genevoise doit se prononcer sur la réforme du Cycle d’orientation, qui prône la mixité des élèves de 11 à 15 ans en lieu et place des sections et regroupements.

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