Climat: le syndrome Jurassic Park
La Suisse en fait déjà bien assez en matière de protection climatique. Le message – une déclaration – voté mardi par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats et qui va être transmis au prochain plénum de la Chambre haute frise le déni de droit. En clair: le parlement pourrait bien inviter la Suisse à s’asseoir sur l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) lorsque celle-ci a donné raison aux Aînées pour le climat qui invoquent une «inaction climatique» de notre pays.
Au vu de la majorité en commission – le vote a été acquis par 10 voix contre 3! – l’enterrement de première classe ne fait guère de doute. En tous les cas pour ce qui est du Conseil des Etats. Outre un socialiste – le très droitier Daniel Jositsch, qui a récemment tenté sa chance au Conseil fédéral, on comprend que la droite lui fasse les yeux doux –, l’entier du bloc de droite, y compris le Centre, a voté cette déclaration invitant le Conseil fédéral à aller expliquer ce refus de tenir compte de l’arrêt de la CEDH aux autres pays. On lui souhaite bonne chance. Ce refus du droit supérieur et cette annonce que les Accords de Paris ne valent pas pipette vont certainement faciliter ses négociations avec l’Europe.
Au-delà de l’aspect problématique en termes institutionnels, ce vote pose des problèmes de fond. La Suisse est dans le déni. Elle n’est nullement exemplaire, comme les sénateurs et sénatrices le laissent entendre dans un grognement repu qui fleure bon l’autosatisfaction. A partir de lundi, elle vivra à crédit sur le plan de l’énergie, si l’on en croit le Global Footprint Network, qui se charge de ce monitoring. Il faudrait plus de deux Terre si l’entier de la planète fonctionnait selon notre train de vie.
Et la Suisse est à la traîne en matière d’énergie renouvelable, comme l’a rappelé jeudi la Fondation suisse de l’énergie. Elle se place au 22e rang sur 27 en comparaison européenne. Au-delà du déni démocratique que constitue la forfaiture de ces sénateur·rices, ce vote conduit vers des récifs périlleux. On cite souvent John Maynard Keynes, «A long terme, nous serons tous morts», pour illustrer un certain cynisme économique. On oublie que ce penseur en faisait une lecture différente, pour promouvoir le partage et le bien commun, à savoir qu’on n’emporte pas ses avoirs dans sa tombe mais que les richesses ont vocation à être transmises.
Cela vaut d’autant plus pour la survie de l’espèce humaine. Cette évidence semble pourtant au-delà de la capacité d’entendement du cerveau reptilien de certains de nos élu·es.