Chroniques

Place à de nouvelles plumes fées-ministes!

POLYPHONIE AUTOUR DE L’ÉGALITÉ

Le 6 février 2013, vous découvriez Miso et Maso dans les colonnes du Courrier. Dix ans et onze mois plus tard, nous avons décidé qu’il était temps de laisser la place à d’autres plumes, d’autres voix féministes, d’autres générations aussi… Ce n’est pas sans regret que nous quittons cette tribune, grâce à laquelle nous avons partagé avec vous, chères lectrices et chers lecteurs, tant de réflexions, d’analyses, d’utopies parfois, de coups de gueule ou de femmages aussi.

Au fil des chroniques, nous avons mis sous la loupe l’école, le travail, la violence patriarcale, le harcèlement de rue, la sexualité, la famille, le couple, malheureusement à plusieurs reprises l’enjeu des retraites et de la prévoyance professionnelle, mais aussi le backlash et les retours de bâton. Nous avons parlé cinéma, politique, monde académique, avons questionné les normes de la virilité et celles de la féminité, assénées dans les différents espaces sociaux. Nous avons donné une large place aux luttes féministes, avons appelé à nous mobiliser, mais n’avons jamais tu les débats ou les désaccords entre féministes. Au contraire, nous avons pointé les différences générationnelles dans les analyses et dans les luttes et avons appelé de nos vœux la pluralité des moyens d’action.

Parfois, nous avons cherché à voir le verre à moitié plein, identifiant dans la violence des remises à l’ordre le signe d’une déstabilisation du patriarcat. Cela nous a semblé nécessaire pour ne pas sombrer dans le désespoir face à des combats qui ont pu si souvent sembler infructueux… Si nous avons fréquemment pris un ton ironique, il n’a jamais été cynique, car toujours résolument engagé. Certaines chroniques, sur la division du travail domestique et les femmes de ménage, sur les prostituées, le célibat ou encore le plaisir féminin ont sans doute choqué, ont parfois fait réagir le lectorat et c’est tant mieux, nous avons voulu par cette chronique ne pas nous contenter de l’analyse dominante, fut-elle féministe, et nous avons adoré cette liberté de parole.

Malheureusement, cette dernière chronique ne se clôt pas sur un bilan positif de cette période. Nous souhaitons toutefois pointer quelques évolutions, certaines réjouissantes, d’autres déplorables. Le harcèlement sexuel, les violences sexuelles, le sexisme continuent certes de provoquer des clivages dans l’opinion publique, au sein de la population, entre les générations, entre femmes et hommes, entre dominant·es et dominé·es, «l’affaire Depardieu» nous en donne en ce moment une parfaite illustration. Mais après #Metoo, plus aucune institution n’oserait remettre en question la parole des femmes, leur position de dominées dans le système patriarcal.

Certes, les débats sur la révision du droit en matière sexuelle montrent le poids des préjugés, les limites de la justice à les reconnaître comme des victimes. L’univers du travail rémunéré propose quant à lui une évolution consternante: l’écart salarial se réduit en effet très très lentement et les différences de trajectoires professionnelles restent saisissantes.

Au fil des chroniques, nous avons maintes fois souligné l’importance de rester attentives, de ne pas nous endormir sur nos lauriers, ni de baisser les bras, et ce quel que soit le domaine considéré, en particulier en matière de droits sexuels. Souvenons-nous à ce propos de la réponse de Simone de Beauvoir à une amie qui se réjouissait de la victoire féministe après l’adoption de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse en France: «[…] nous avons gagné, mais temporairement. Il suffira d’une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilante.» Nos nombreuses réflexions sur les attaques et les retours en arrière témoignent de l’actualité de ces propos.

Tout au long de ces années, nous avons eu à cœur de tisser des liens avec les féministes de générations précédentes afin de ne pas oublier d’où nous venons, de nous inscrire dans une certaine continuité ou parfois en rupture, et de contribuer ainsi à l’histoire du féminisme. Notre première chronique était un clin d’œil à Carole Roussopoulos, l’avant-dernière à Simone Chapuis-Bischof. Ces deux féministes nous ont accompagnées, aux côtés d’autres femmes, nombreuses, et plus ou moins connues. Nous avons ainsi évoqué Anne Sylvestre, Claire Rubattel, Annie Ernaux ou encore Gisèle Halimi. Toutes ces femmes ont compté de près ou de loin dans notre engagement, ont forgé nos réflexions, elles nous ont également montré combien nous sommes fort·es lorsque nous sommes nombreuses et nombreux. C’est pourquoi nous nous réjouissons aujourd’hui de passer le témoin.

En plus de dix ans, nous avons reçu, de manière directe ou indirecte, de nombreuses réactions à nos chroniques, tantôt enthousiastes, tantôt critiques, parfois étonnées. Cela nous a montré l’intérêt, mais aussi la nécessité de l’exercice. Cela nous a portées aussi. Nous tenons à remercier ici les lectrices et les lecteurs qui nous ont accompagnées au fil de nos écrits.

Miso et Maso, investigatrices en études genre.

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