Chroniques

Coups de poing

Polyphonie autour de l'égalité
Coup de poing dans le ventre, c’est l’impression que nous avons eue à l’annonce d’une prochaine ouverture du premier «bureau des hommes» en Suisse romande, dans le canton du Valais1>Carrupt, «Premier ‘Bureau des hommes’ de Suisse romande prévu en Valais», RTS, 1erdécembre 2021.. Visiblement une idée qui cède aux pressions de certains masculinistes, selon lesquels les hommes ne pourraient pas s’adresser aux bureaux de l’égalité, trop féministes et donc, toujours selon ces derniers, orientés uniquement vers le soutien aux femmes! Cela fait montre d’une belle méconnaissance dans un canton où le Bureau de l’égalité a dû, pour montrer patte blanche, se faire appeler «Office de l’égalité et de la famille». On est bien loin des harpies brûlant leurs soutiens-gorges debout sur des barricades de malheureux mâles empilés… Soit dit en passant, ces fameuses incendiaires du soutif n’existent que dans les fantasmes angoissés de certains inquiets.

Mais de qui se moque-t-on? Créer des bureaux des hommes, c’est nier les rapports sociaux de sexe, c’est oublier que, quoi qu’on en dise et quelles que soient les avancées, on est encore et toujours dans une société patriarcale. C’est faire comme si on pouvait symétriser les situations. Ah, c’est bien pratique tout ça pour faire oublier que sur le front de l’égalité ça n’avance guère depuis des années, qu’on va encore descendre dans la rue ce 8 mars pour s’opposer à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, pour dénoncer le sexisme, le harcèlement sexuel, les violences… Ben allons-y, occupons-nous des hommes!

Coup de poing dans la gueule, c’est comme ça qu’on reçoit cette proposition. Parce que non content de ne pas faire grand chose pour faire avancer l’égalité – pensons à la dramatique révision de la Loi sur l’égalité –, l’Etat se dit qu’il faut vite rectifier le tir et soutenir les dominants. Il est vrai que la contestation de leur position de domination, la menace de voir disparaître leurs prérogatives, le risque de se voir détroussé de quelques privilèges, et bien oui, ça les stresse, ça les questionne, ça les angoisse! En plus, n’oublions qu’on est en Suisse, le pays du compromis-roi, donc si on avance d’un petit pas d’un côté, il faut tout de suite rectifier car on risquerait de créer des inégalités.

Coup de poing dans le sternum, celui qui coupe le souffle, lorsqu’on prend conscience que non seulement tout est fait pour symétriser des situations qui ne le sont pas, mais qu’en plus cela va beaucoup plus loin. Tout est fait pour retourner la logique: partant que les femmes auraient pris le dessus et seraient aux commandes dans les cercles de pouvoir, que le féminisme ayant vaincu (si on pouvait nous dire quand, on aimerait pouvoir en fêter l’anniversaire!), la situation s’est inversée. On retrouve ici un phénomène similaire à celui de la population blanche dominante se plaignant de racisme à son encontre. Dans la même logique, on pourrait ouvrir des bureaux pour Blancs et Blanches, comme digne réponse aux bureaux de l’intégration!

Coup de poing sur la table, c’est notre réponse en ce 8 mars! Parce qu’il y en a marre de se battre contre des moulins à vent, de remettre sans cesse les mêmes luttes sur le devant de la scène, de voir nos filles revendiquer ce que nos mères demandaient déjà, de devoir encore et toujours battre le pavé, et de devoir s’excuser d’avoir obtenu de haute lutte quelques avancées que d’aucun·es menacent régulièrement à coup de référendums ou d’interpellations parlementaires! Alors oui, certains hommes se questionnent, doutent, peut-être même souffrent… Si ces questions, ces réflexions, ces doutes se font dans le souci d’avancer vers l’égalité, dans l’idée de changer leurs pratiques, alors ils seront les bienvenus auprès des bureaux de l’égalité, des associations féministes et proféministes. Sinon, stop, coup de gong, fin par KO!

Notes[+]

* Investigatrices en études genre.

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