Chroniques

Touche pas à mon prépuce!

ACTUALITÉS PERMANENTES

Avec le ton ému d’une mère traditionaliste juive, Charaf Abdessemed expliquait, dans GHI du 3-4 mai dernier, que la circoncision était une précaution sanitaire formidable, un gain érotique et avait «de plus en plus le vent en poupe auprès des jeunes hommes, pour des raisons… esthétiques». Suivait son «enquête sur une pratique emblématique d’une profonde évolution sociétale». Pas moins! Son éloge de cette mutilation sexuelle remplit la page 5 du tout-ménage immobilier. Il n’évoque pas le fait que ce rituel poly-religieux a tué, par septicémie, des centaines de milliers, sans doute des millions de petits garçons ou de bébés. Qu’il a torturé des centaines de millions d’enfants et d’adolescents et qu’il tue et torture encore dans une partie du monde.

L’opération a pour seule indication médicale le phimosis, resserrement naturel du prépuce, qui dans 99% des cas disparaît de lui-même ou par des interventions moins invasives. Des chiffres à confronter aux 1 à 2% de complications médicales de la circoncision en milieu médical privilégié, qui n’est pas le cas général. Alors, si l’on exclut un bénéfice médical rare et des enquêtes épidémiologiques biaisées, il ne reste plus de justification rationnelle à la plupart des circoncisions. L’«esthétique» est discutable et l’hygiénisme abusif, sinon pathologique.

Les influenceurs qui, comme Charaf Abdessemed, prennent comme point de départ le souci de certains ados sur TikTok d’avoir un «beau» pénis ou, pour les filles, de refuser les fellations aux non-circoncis sont pour le moins légers! Comme les chirurgiens qui pratiquent des circoncisions «esthétiques» au prix fort «à tous les âges» et n’ont sans doute pas assimilé le serment d’Hippocrate… La mode est étasunienne – donc impérative pour certains! – et fait la fortune des auteurs de «prépucectomies» payantes… Dans ce fatras religio-esthético-commercial, même l’auteur de l’article cité rappelle que l’on a désormais des demandes de reconstruction de prépuce après circoncision voulue et décevante!

Beaucoup de sociétés pratiquent des mutilations ou des lésions du corps à des fins religieuses, rituelles ou esthétiques. Les mutilations sexuelles graves ne sont pas les seules à risquer la vie ou à la gâcher, pour beaucoup de femmes, mais aussi pour des hommes – penser aux tatouages extrêmes, qui vieillissent si mal, ou à la multiplication des piercings. J’avais eu, un jour, une demande d’un énergumène étasunien qui se prétendait recordman en piercings – dont près de trente à travers la verge – et qui voulait faire… une exposition sur son corps!

En dehors de ma position personnelle selon laquelle le corps humain est un trop bel objet pour l’abîmer par des opérations invasives, inutiles et définitives, aussi bénignes soient-elles (je pense même aux perforations d’oreilles), il me semble évident que ces interventions ne devraient être tolérées qu’avec le consentement éclairé de leurs victimes, donc ne pas être accessibles aux mineur·es. Quand, à très juste titre, on interdit les excisions pratiquées pour des motifs religieux, il n’est guère logique de tolérer les circoncisions sans indication médicale. Mais les lobbies religieux n’aiment pas plus la logique que la science! Et ceux qui veulent couper des morceaux de pénis sont, hélas plus puissants que celles et ceux qui, comme les féministes, veulent empêcher de mutiler les petites filles.

Une chose me paraît sûre et pourrait devenir un jour consensuelle au niveau politique: les interventions invasives mutilantes sur les corps humains devraient être évitées autant que possible en absence d’indication thérapeutique sérieuse. Elles devraient faire l’objet d’une information précise sur leurs risques et leurs conséquences, à long terme, chez les sujets volontaires majeurs. Elles ne devraient pas faire l’objet de publicité ou de business. La chirurgie «esthétique», qui anéantit l’expression des émotions par le visage chez les vieux et les vieilles qui la pratiquent, nous montre à quel point nous en sommes loin!

* Chroniqueur énervant

Opinions Chroniques Dédé-la-Science actualités permanentes

Chronique liée

ACTUALITÉS PERMANENTES

lundi 8 janvier 2018

Connexion