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Astrologie génétique à la RTS?

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Quand No Billag menace de nous priver de la RTS, il est étrange d’y voir un flash relayer sans critique une information «scientifique» privée suspecte. Celle-ci émane de deCode Genetics, une société de biotechnologie islandaise aux pratiques discutées et au passé étasunien sulfureux. Mais elle est relayée par le journal privé Science. Sous le titre: «Génétique: culture dans l’ADN», on lit sur le site RTS.ch: «On sait depuis longtemps que l’environnement familial et social influe sur le parcours des enfants. Mais des chercheurs anglais et islandais sont parvenus à quantifier la part des gènes dans cet héritage.»

Et la présentatrice enchaîne sur la formidable question «Existe-t-il des gènes de la réussite?»… à laquelle on répond oui en deux minutes treize secondes: images d’Islandais dans une piscine, de laboratoires, d’écoliers et déclarations tronquées de chercheurs qui n’ont pas lu l’article de Science. Le titre de cet article: «L’inné de l’acquis. Effet des génotypes parentaux».

Effet des gènes des parents sur quoi? Sur des caractères biologiques, sauf le nombre de cigarettes par jour (sic!) et le «niveau d’instruction». Là est le seul lien avec la «culture dans l’ADN» et les «gènes de la réussite»! Et par quoi mesure-t-on le niveau d’instruction? Par le nombre d’années d’éducation: un résumé minimal stupéfiant de la réussite et de la culture! Ce chiffre unique est produit par une «méta-analyse» pour des milliers d’enfants dont un parent, au moins, est connu par de nombreux gènes. A partir de cela, on prétend démontrer que les gènes des parents, transmis ou non transmis, influencent la «performance» des enfants. Directement pour les gènes transmis, ou indirectement pour les gènes non transmis, qui modifieraient l’environnement des enfants!

L’inanité sordide de cette étude est noyée sous un flot de statistique et de génomique apte à décourager les lecteurs, même scientifiques, qui n’ont pas fait d’études approfondies de génétique mathématique et de statistiques. Mais la complexité des calculs ne masque pas l’écart entre la signification des résultats et les conclusions qui en sont tirées. Il y a d’abord l’erreur de logique classique qui consiste à interpréter des «corrélations» (des coïncidences statistiques) comme des causalités. Ce n’est pas parce qu’on trouve une fois des corrélations entre des gènes des parents et le nombre d’année d’études des enfants que ces gènes déterminent cette durée de vie scolaire (ou le nombre de cigarettes par jour des enfants qui fument!).

Ensuite, les techniques utilisées s’apparentent aux classiques mesures de l’«héritabilité» des caractères, une mesure statistique des ressemblances parents-enfant. Or, l’héritabilité d’un caractère varie d’une population à l’autre et d’une génération aux suivantes. C’est une propriété d’une population à un moment donné, pas une caractéristique biologique des humains. Ce qui est vrai de ces Islandais n’est pas transposable ailleurs, ni avant ni après. Il n’y a donc aucun rapport entre ces résultats anecdotiques et les conclusions vertigineuses qui en sont tirées.

Science publie ces sottises parce qu’elles font vendre et parce que deCode ne lésine pas sur la publicité payante. Quand à deCode, qui emploie quatorze des quinze signataires de l’article, son objectif est de vendre des analyses, pas de faire de la science ni de l’éducation. Après avoir bu un bouillon en vendant des recherches de susceptibilités génétiques aux maladies, envisagent-ils de vendre des pronostics de réussite scolaire des enfants, d’après des frottis buccaux et l’ADN d’un ou deux parents? Ce que j’ai jadis qualifié d’astrologie génétique se porte bien. Mais une télévision publique de qualité pourrait s’abstenir de lui dérouler le tapis rouge…

Cela dit, votez quand même NON le 4 mars!

*Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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