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Une conciliation obligatoire pour le bien de l’enfant

Un récent colloque, organisé par l’association Avenir familles et parrainé par la Ville de Genève, a évoqué l’idée prometteuse d’un tribunal familial et d’une commission de conciliation. Explications.
Famille

Pour rappel, près de la moitié des mariages en Suisse aboutissent à un divorce. L’introduction d’une procédure de conciliation en amont, obligatoire et gratuite, permettrait d’éviter des procédures très longues et très douloureuses pour les personnes concernées. Et d’amoindrir les risques d’une escalade des conflits entre les futur·es ex-conjoint·es, souvent lucrative pour les avocat·es. A l’heure actuelle, l’intérêt supérieur des enfants est très régulièrement pris en otage par les parties. Il serait ainsi réellement pris en compte et protégé.

«Les familles peuvent facilement perdre 30 000 à 50 00  francs dans la procédure. Or, une séparation implique justement des bouleversements dans la vie des individus – comme le fait de devoir retrouver un logement éloigné de l’ex-conjoint·e – qui sont déjà très coûteux», souligne Christian Dandrès, avocat et conseiller national socialiste siégeant à la Commission des affaires juridiques, qui a porté un postulat parlementaire sur la question.

Avec cette nouvelle formule, des tiers, tels que les grands-parents ou les nouveaux conjoints, auraient aussi la possibilité d’être entendus, ce qui n’est pas le cas actuellement. Pourtant, ces derniers sont également concernés par les conséquences d’une séparation, a rappelé Anne Reiser, avocate en droit de la famille, notamment du point de vue de la garde des enfants ou encore sur le plan financier. Ainsi, les partenaires marié·es des parents peuvent avoir une obligation d’assistance ou d’entretien envers les enfants de l’ancien couple. Et si ce n’est pas le cas pour les partenaires non marié·es, ces dernier·ères doivent néanmoins participer pour moitié aux charges communes.

Le postulat parlementaire de Christian Dandrès, accepté à une large majorité par le Conseil national (seule l’UDC s’y est opposée), va maintenant être examiné par le Conseil fédéral. Cette évolution implique une révision du Code de procédure civil suisse. Le projet pourrait aboutir d’ici deux ans. Le modèle envisagé s’appuie sur les enseignements très positifs de l’expérience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, qui officie dans le cadre de litiges entre propriétaires et locataires. Contrairement à une médiation qui implique l’accord préalable des parties, la conciliation serait obligatoire dès lors qu’un enfant mineur serait concerné. La formule s’articule autour d’un juge conciliateur secondé par deux assesseur·es: l’un·e spécialisé·e en droit de la famille, l’autre formé·e à la thérapie familiale systémique. La commission pourrait solliciter librement d’autres experts, comme des assistants sociaux, des pédopsychiatres ou des fiscalistes.

Comme l’a rappelé Christoph Häfeli, professeur et juriste, cette approche multidisciplinaire a fait ses preuves dans le canton d’Aarau, qui a instauré un Tribunal de la famille. Impliquant le Département de l’instruction publique et les services sociaux, une expérience comparable a été menée avec succès ces trois dernières années à Monthey. Elle est basée sur la recherche du consensus parental, a souligné le chef du Service cantonal valaisan de la jeunesse, Christian Nanchen.

A l’heure actuelle, à Genève, des solutions pérennes, soucieuses de l’intérêt de l’enfant et de son équilibre, ne sont pas systématiquement recherchées et sont bien trop rarement trouvées. On observe une inflation des expertises psychiatriques sollicitées par les parties. Or, ces expertises, sur lesquelles les juges ont tendance à s’appuyer trop facilement pour statuer, peuvent avoir un effet dévastateur en alimentant le conflit et en aggravant lourdement le ressentiment des parties. En ce sens, le travail en commun d’un réseau d’intervenant·es d’horizons variés et complémentaires dans le cadre de la conciliation devrait s’avérer très bénéfique.

Emmanuel Deonna est Député socialiste et candidat au Grand Conseil genevois.

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