Édito

Une crise de l’accueil

Une crise de l’accueil
Après avoir fui souvent au péril de leur vie, certain·es réfugié.s décrivent pourtant leur séjour en Suisse comme «la pire expérience de leur vie». KEYSTONE
Asile

Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est pris de court par une importante hausse du nombre de demandes d’asile. Le 25 octobre, il annonçait que les structures d’hébergement «frôlaient la saturation» et n’avaient pratiquement plus de lits disponibles. Un euphémisme. D’après une enquête de nos confrères de La Liberté, certain·es demandeurs ou demandeuses d’asile dorment désormais dans des réfectoires au Centre fédéral d’accueil de Boudry dans le canton de Neuchâtel.

Les conditions d’hébergement, déjà déplorables en temps normal, sont encore péjorées en raison du manque d’anticipation de nos autorités. Tout près d’Yverdon, dans le canton de Vaud, les personnes qui n’ont pas la «chance» d’être amassées dans des dortoirs exigus campent dans une salle de gym non chauffée.  Des bébés auraient même attrapé des pneumonies en raison de ces conditions d’hébergement si précaires.

Afin de faire face à cette situation, les autorités ont décidé de transférer plus rapidement les requérant·es d’asile des centres fédéraux vers les cantons qui risquent à leur tour la saturation. Les organisations de défense des migrant·es pointent déjà du doigt des procédures bâclées, des décisions négatives ou des renvois prononcés sans examen médical approfondi. L’impréparation du SEM a des conséquences dramatiques sur de nombreux destins. Après avoir fui la guerre, traversé la mer et affronté de nombreux périls, certain·es décrivent leur séjour en Suisse comme «la pire expérience de leur vie». Comment en sommes-nous arrivé·es à donner une telle image de notre pays?

La réforme du domaine de l’asile, opérée en 2019 afin d’accélérer les procédures, a aussi eu pour conséquence de diminuer le nombre de places et le personnel dans les centres d’accueil fédéraux. En 2015, le SEM enregistrait près de 40’000 demandes d’asile. Il en prévoit 22’000 à 24’000 cette année et est déjà débordé (sans compter environ 65’000 Ukrainien·nes déjà accueilli·es).

La Suisse aurait eu les moyens de se préparer. Il était prévisible que le retour des Talibans en Afghanistan, la guerre en Ukraine et la précarité générée par la crise du Covid-19 jettent encore davantage de personnes sur les routes de l’exil.

Notre pays n’est pas une petite bulle hermétique au monde. Cette hausse d’affluence n’est ni la première, ni la dernière. Cette «nouvelle crise migratoire», comme certain·es se plaisent à la désigner, n’en est pas une. Il s’agit d’une crise de l’accueil, générée non pas par les circonstances actuelles, mais par le manque de volonté politique d’un Etat qui en fait le minimum pour des personnes en quête désespérée de protection.

Opinions Suisse Édito Julie Jeannet Asile

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