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Et paf! Un nouveau coup dans les gencives!

Huguette Junod commente la courte victoire aux urnes de la réforme AVS21, qui fixe l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.
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Dimanche 25 septembre, le suspense a duré jusqu’à 15 heures: la proportion des «oui» sur l’AVS diminuait… mais l’aiguille s’est arrêtée sur 50,6. Une courte majorité a donc décidé que la réforme de l’AVS se ferait sur le dos des femmes, alors qu’elles sont 63% à l’avoir refusée. Les hommes, eux, ont dit oui à 65%. Merci aux pères, frères, maris, fils pour leur solidarité! Toute la Suisse romande a refusé cette réforme, mais la grande majorité de la Suisse alémanique l’a acceptée. On assiste à un fossé entre les deux régions linguistiques et entre les genres. On va imposer aux femmes de travailler une année de plus, à leur corps défendant.

Les femmes se sentent incomprises, maltraitées, méprisées. Comme si leur voix, leurs revendications, leurs grèves n’avaient servi à rien, comme si les politiques et les hommes restaient sourds à leur situation.

La droite a utilisé l’argument de l’égalité pour faire passer la pilule. Quelle farce! Les femmes ne connaissent pas l’égalité de salaire (-15 à -20%), quarante ans après son inscription dans la Constitution (1981) et vingt-six ans après l’entrée en vigueur de la loi sur l’égalité (LEg) le 1er juillet 1996. Le gouvernement suisse n’a en effet pas été suffisamment courageux pour sanctionner les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale

Cette différence entraîne mathématiquement des retraites moindres. En outre, si les femmes cotisent normalement à l’AVS (4,2% pour l’employeur et 4,2% pour l’employée), elles ne peuvent cotiser au 2e pilier qu’à partir de 1792,50 francs par mois. Or il se trouve que 59% des femmes contre 18% des hommes travaillent à temps partiel en Suisse. Il y a même des patrons malins – ou cyniques – qui engagent les femmes juste au-dessous du seuil fatidique, économisant ainsi la part de l’employeur, notamment pour les emplois sur appel. 42% des femmes se retrouvent donc, quand sonne l’âge de la retraite, avec la seule AVS, pas toujours complète (entre 1195 et 2390 francs par mois pour une personne seule). Tout cela fait que les femmes touchent des retraites de 47% inférieures à celles des hommes.

Les autres facteurs de paupérisation des femmes sont le manque de formation, une représentation massive dans les métiers qui gagnent peu (vente, soins corporels, santé), les emplois à temps partiel, souvent imposés, les interruptions dues aux grossesses et aux soins aux enfants et aux parents. Le travail domestique et familial, qui est plus souvent effectué par les femmes, n’est pas rémunéré et ne se répercute donc pas sur les prestations de la prévoyance vieillesse. 80% des familles monoparentales sont dirigées par des femmes, qui ne reçoivent parfois pas de pension alimentaire du père. Ainsi, les deux tiers des working poors sont des femmes.

Comme si cela ne suffisait pas, les Suissesses touchent en moyenne 7,9 semaines de salaire plein pour leur congé maternité quand la moyenne de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques s’établit autour de 32,2 semaines. Une fois l’activité reprise, le coût de prise en charge d’un enfant s’établit à plus de 41% du revenu, contre 18,2% en moyenne dans l’OCDE. Sans parler du manque de crèches en Suisse.

Du côté de la santé, les femmes sont moins bien diagnostiquées que les hommes, leurs symptômes moins bien pris en compte, notamment en ce qui concerne les problèmes cardiaques. La recherche médicale, qui se fonde essentiellement sur les hommes, parce que, n’ayant pas de cycle menstruel, ils sont plus «stables», aboutit à des résultats qui ne sont pas adaptés aux femmes.

Cerise sur le gâteau, si l’on peut dire, les femmes, qui gagnent moins que les hommes, paient un certain nombre de produits et de services plus cher qu’eux (coupe avec séchage: 69 francs contre 39 francs; nettoyage-repassage: 9 francs contre 6 francs), ce qui représente une centaine de francs par mois.

La droite a réussi à convaincre la Suisse alémanique et une majorité d’hommes de consolider l’AVS sur le dos des femmes au nom de l’égalité. Quelle égalité?
Les femmes feront grève le 14 juin 2023, n’en doutez pas!

Huguette Junod est écrivaine, de Genève.

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