Suisse

Des lacunes dans l’aide à l’aviation

Le Contrôle des finances pointe des faiblesses dans la surveillance des prêts à Swiss et à Edelweiss.
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Tout comme Edelweiss, la compagnie Swiss a remboursé les cautionnements publics octroyés dans le cadre de la pandémie de coronavirus. KEYSTONE/ARCHIVES
Transport aérien

Le Contrôle fédéral des finances (CDF) s’est penché sur l’aide à l’aviation durant la pandémie de coronavirus. Au premier regard, tout s’est passé comme sur des roulettes. Ainsi apprend-on dans son rapport publié hier que tant Swiss et Edelweiss (1,275 milliard de francs) que SR Technics (79 millions) ont remboursé les cautionnements octroyés. Mieux encore, l’opération a rapporté 32 millions de francs à la Confédération.

Dans leur réaction commune, les deux compagnies aériennes saluent également l’opération: «Le soutien à Swiss et Edelweiss durant la pandémie de Covid-19 a porté ses fruits. Grâce au remboursement anticipé du crédit et à la résiliation précoce des contrats, la Confédération a pu mettre fin au cautionnement sans perte.»

Sur la base des éléments à sa disposition, l’organe de contrôle n’a pas non plus constaté d’abus dans l’utilisation de l’argent prêté. Pour rappel, les compagnies aidées étaient soumises à une interdiction de distribuer des dividendes à leurs actionnaires jusqu’au remboursement du prêt. Elles étaient également soumises à des conditions-cadres en matière de politique d’implantation. En clair, il s’agissait surtout d’éviter que l’argent prêté ne serve à financer la maison mère allemande, Lufthansa.

Deux bémols

Le Contrôle des finances met toutefois deux gros bémols à ces constats réjouissants. Première faiblesse pointée, l’absence d’un concept formel de surveillance de la part de l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) et de l’Administration fédérale des finances (AFF). Il n’y a pas non plus de concept de sanctions et l’assurance qualité a été négligée. L’efficacité du prêt ne peut ainsi pas être mesurée.

L’autre lacune importante constatée, c’est le manque d’indépendance de la Fondation suisse de l’aviation, chargée de contrôler la politique d’implantation de Swiss et Edelweiss. Le rapport la qualifie même de «construction du passé».

Critique «pas étayée»

Cette fondation était composée de trois membres désignés par la Confédération, d’un représentant de Swiss et d’un de Lufthansa. Par ailleurs, le patron de Swiss et son chef des finances ont été désignés comme invités permanents. Selon les thèmes, des experts étaient invités, dont plusieurs étaient employés de Swiss. Et pour couronner le tout, c’est la compagnie aérienne qui assumait le secrétariat de la fondation et indemnisait ses membres. En outre, pour effectuer son travail, la fondation s’est basée exclusivement sur des rapports et renseignements fournis par Swiss et Edelweiss.

Des lacunes dans l’aide à l’aviation

«On a mis notre argent le plus vite possible à disposition d’une ­compagnie ­privée ­étrangère» Lisa Mazzone

Cela peut paraître choquant, mais pas aux yeux de l’OFAC et de l’AFF, qui défendent bec et ongles la solution retenue dans leur prise de position commune. Ils rappellent que «l’établissement de cet organe de contrôle délibérément détaché de l’administration fédérale correspond à la volonté du Conseil fédéral». Et ils objectent que la critique sur le manque d’indépendance de la fondation «repose sur des hypothèses et n’est, à notre connaissance, pas étayée par des preuves concrètes».

Reste que cette bataille paraît périmée aujourd’hui. Le rapport du Contrôle des finances tombe comme la grêle après la vendange, puisque la fondation a été dissoute durant l’été, après le remboursement intégral des prêts par Swiss et Edelweiss en mai.

L’accord avec Air Baltic

Ce rapport jette toutefois une lumière nouvelle sur une annonce faite au début du mois par Swiss. Elle a signé une collaboration avec la compagnie lettonne Air Baltic, pour sous-traiter certains de ses vols (six avions). Une décision justifiée par la pénurie de personnel dont souffre Swiss. Cela a fait bondir les syndicats, qui y voient surtout du dumping salarial.

Comme Swiss a remboursé intégralement son prêt à la Confédération, elle a désormais les mains libres en matière de politique d’implantation. En outre, selon nos informations, un tel accord n’aurait pas été contraire aux conditions posées pour le cautionnement. Swiss aurait donc déjà pu le conclure avant.

Pour la sénatrice verte Lisa Mazzone toutefois, cet accord est «dérangeant». Tout cela montre, à ses yeux, qu’on n’a pas posé des conditions suffisamment strictes aux prêts consentis, «ni sur le plan climatique, ni même en matière d’emplois, avec pour conséquence aujourd’hui des risques de délocalisation et du dumping salarial». Et la Genevoise de dresser ce constat: «On a mis notre argent le plus rapidement possible à disposition d’une compagnie privée étrangère, sans poser de conditions strictes et sans surveillance suffisante.» LA LIBERTÉ

Suisse Philippe Castella Transport aérien

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