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De la symbiose au vivre ensemble

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La symbiose est le mode de vie de deux êtres qui vivent ensemble aux bénéfices mutuels. Une association gagnant-gagnant où, souvent, chacun est nécessaire à l’autre. Les humains sont des symbiotes: on estimait jadis que cinquante mille espèces vivantes pouvaient être hébergées par un corps humain, des microbes intestinaux nécessaires aux autres hôtes et parasites. Ce nombre a augmenté depuis et une bonne partie de ces espèces reste inconnue: vous pouvez vous laver jusqu’à l’os, ça grouillera toujours en vous! Le nombre de cellules non humaines hébergées dans notre corps dépasse celui de nos propres cellules (60 000 milliards, avec des variations et une imprécision considérable!). Ces millions de millions de cellules autochtones, et encore plus d’immigrées, ça fait plus de relations d’incompatibilités possibles que de particules dans l’Univers! Pourtant, chacun·e nous est un héros ou une héroïne de la cohabitation: les coopérations de ces cellules l’emportent sur leurs compétitions ou intolérances, pour un résultat unique: vous ou moi!

On invente souvent des mots pour cacher son incompréhension… Ainsi, la physiologie définit l’homéostasie comme le maintien de la structure d’un corps, qui renouvelle sa substance mais conserve son anatomie et ses propriétés. L’homéostasie nécessite l’interaction avec de multiples espèces vivantes: les microbes de l’intestin, les plantes et les animaux consommés… On pourrait donc parler de «symbiostasie» pour décrire l’ensemble des espèces nécessaires à la survie de quelqu’un. Un ensemble qui varie selon les lieux, les écosystèmes et les civilisations. Si l’on s’intéresse à une population ou une espèce, il faudra concevoir une «symbiostasie généralisée», qui définira l’ensemble de ses symbiotes nécessaires. Dans une écologie que les humains ont mondialisée, nos sabordages actuels par les pollutions et le réchauffement menacent autant les espèces les plus répandues et nos symbiotes que la nôtre. Si les humains ont souvent réussi, à ce jour, leur homéostasie collective, ce sera provisoire s’ils continuent à détruire leur symbiostasie…

Comment en sommes-nous arrivé·es là?

Les humains partagent, avec les mammifères et beaucoup d’autres espèces, la nécessité de vivre en groupe et en société. Le maintien de la cohésion du groupe repose sur des propriétés remarquables de nos systèmes nerveux. Chacun doit anticiper les mouvements, ou les intentions, d’un ou plusieurs autres. C’est le rôle des neurones miroirs, qui permettent de suivre les performances de danseurs depuis un fauteuil ou de coordonner nos gestuelles avec les personnes qu’on aime. Deux caractéristiques liées distinguent les humains des autres animaux: la pratique de langages à double articulation (des signes et des sens) et la diversification des comportements, des cultures et des environnements. Le langage permet la communication, mais aussi d’élaborer des projets. Joint à notre curiosité de primates, il a conduit nos ancêtres, sorti·es des savanes africaines, à l’incroyable diversité de nos modes de vie ancestraux: six mille langues et bien plus de cultures, de l’équateur au pôle!

Le besoin de prévoir l’avenir, bien antérieur à notre espèce, a trouvé des développements singuliers, différents dans chaque culture et société locale. Mais la rencontre de cultures différentes ne va pas de soi. En particulier lorsque des fondamentalismes prétendent à des règles et des vérités sacrées incompatibles, ou en cas de compétition pour les ressources. Les intérêts et les arbitraires incompatibles rendent difficiles les symbioses sociales et les projets communs nécessaires à une mondialisation réussie. La science, dont l’objectif est de mettre les gens d’accord sur l’état du monde, pourrait les aider à vivre ensemble. Mais que faire quand prédateurs politiques et prédicateurs intégristes utilisent ses avatars technologiques les plus sophistiqués pour la rejeter sans scrupules?

Chroniqueur énervant.

Ce texte reprend en partie ma communication au colloque «Symbiose» organisé à Sion par La Murithienne (Société valaisanne des sciences naturelles) et le Musée de la nature du Valais.

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lundi 8 janvier 2018

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