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Bienne et l’habitat ouvrier

«Les réalisations du ‘socialisme communal’ biennois restent dignes d’éloge.» Pierre Jeanneret, historien, revient sur un récent article (cf. ci-dessous) consacré à l’exposition «Cent ans de Bienne la Rouge».
Histoire 

J’avoue que votre article sur «Bienne la Rouge», par ailleurs fort intéressant, m’a par moments un brin agacé. D’abord, son titre «Le début des cages à lapins» est dépréciatif, voire insultant. En outre, le travers de nombreux jeunes historien·nes est de juger le passé à travers les lunettes du présent. C’est à ce défaut que semble succomber par moments, dans son interview, Anne-Valérie Zuber, collaboratrice scientifique du Nouveau Musée Bienne. Je me réjouis cependant de découvrir son exposition consacrée au centenaire de cette expérience de «socialisme communal» (un concept élaboré par le pasteur zurichois Paul Pflüger avant 1914).

Sans doute le maire de Bienne Guido Müller n’était-il un fervent partisan ni de l’émancipation féminine ni de l’internationalisme prolétarien… Cela étant dit, il faut se rappeler qu’en 1921, à leur accession au pouvoir, les socialistes héritaient de caisses communales vides, du terrible chômage d’après-guerre, et que les conditions d’habitat de la classe ouvrière étaient tout simplement déplorables. Les réalisations de ce «socialisme communal» très modéré restent donc dignes d’éloge: achats de terrains et construction de nombreux logements, ouverture de bains communaux en 1932 (dans un contexte de préoccupations hygiénistes et de lutte contre la tuberculose), érection d’une imposante Maison du Peuple dont l’architecture de fer, béton et verre était inspirée par le Bauhaus, et j’en passe…

Moins «socialiste» il est vrai fut l’installation de la très capitaliste usine General Motors à Bienne en 1935. Mais là aussi, il faut garder à l’esprit le contexte économique dramatique et le fort taux de chômage qui régnaient alors: l’installation de cette usine fut d’ailleurs approuvée en votation populaire par 5088 voix… contre 151!

L’expérience biennoise suscita donc beaucoup d’écho, notamment auprès des dirigeants socialistes de la «Lausanne rouge» (1934-1937).
Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus, je signale l’excellent ouvrage de Tobias Kästli, Das rote Biel. Probleme sozialdemokratischer Gemeindepolitik (Bern, Fargus Verlag, 1988).

Pierre Jeanneret est de Grandvaux (VD).

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