Édito

Plate et sans forme, la plateforme?

Plate et sans forme, la plateforme?
Patrick Gyger, directeur de la Fondation Plateforme 10, pose devant le Musée cantonal des Beaux-Arts, à Lausanne. KEYSTONE
Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne

Plus que six jours pour postuler: à Lausanne, le Musée cantonal des beaux-arts cherche une nouvelle figure pour le diriger, alors que Bernard Fibicher, en poste depuis 2007, prendra sa retraite l’an prochain. L’entrée en fonction est prévue pour le 7 juillet 2022, une semaine avant l’ouverture officielle du bâtiment rassemblant Mudac et Photo Elysée (ex-Musée de l’Elysée). Situé en bordure de la gare de Lausanne, le futur quartier des arts Plateforme 10 disposera alors de ses trois institutions.

Le job proposé peut faire rêver, dans un musée qui a brillamment relevé le défi d’un quasi-triplement de ses surfaces d’exposition pour cause de déménagement il y a deux ans, quittant le palais de Rumine à la faveur d’un écrin contemporain signé Barozzi & Veiga. Avec une moyenne de visites quotidiennes qui tutoie souvent le millier de personnes, le public s’est largement approprié les lieux.

Aussi le MCBA a-t-il en quelque sorte une taille idéale, ni trop grande ni trop petite, avec une collection de quelque 10 000 pièces aux points saillants en augmentation exponentielle, via des dons notamment; et une capacité éprouvée de longue date à organiser des expositions de niveau international, comme l’ont confirmé les récents accrochages Ai Weiwei, Kiki Smith, Maurice Denis ou actuellement Francis Alÿs.

Et pourtant, telle que formulée, l’offre d’emploi publiée ce mois ne donne guère envie. Déjà parce qu’elle ne mentionne pas une seule fois le mot «art»; et que le délai de postulation est court, ce qui peut laisser penser qu’il n’y a pas d’ambitions internationales, voire que les dés sont pipés – deux hypothèses fermement réfutées dans 24 heures par le directeur général de la Fondation Plateforme 10, Patrick Gyger. Mais surtout, tel que détaillé dans le cahier des charges, le poste – pour lequel on demande un doctorat et dix ans d’expérience dans une structure comparable – fait bailler: il sous-entend une suite quasi-ininterrompue de séances de travail. Avec une obsession inlassablement répétée pour les consultations entre musées, via la Fondation Plateforme 10.

Or s’il est évidemment essentiel que les trois entités agissent de concert, il est tout aussi capital qu’elles gardent leur indépendance. Ce n’est hélas pas ce que l’on pense à Lausanne, où le Vaudois Patrick Gyger a le mandat d’être au service de la marque Plateforme 10 plutôt que de ses trois entités: on demande à l’ancien directeur du Lieu unique de Nantes de créer une «forte identité culturelle pour le site», pas pour ses musées. Comme si on voulait effacer les noms des institutions, au profit d’un grand machin multidisciplinaire.

Une simple offre d’emploi et hop, elle semble soudainement bien plate, la forme du futur pôle muséal.

Opinions Édito Samuel Schellenberg Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne

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