Chroniques

L’indépendantisme catalan, une histoire de gauche?

L'histoire en mouvement

C’est dans le contexte de mai 1968 et des luttes de libération nationale et anti-impérialistes qu’en mars 1969 est fondée la première organisation s’identifiant à la gauche indépendantiste catalane. Ses promoteur·rices étaient néanmoins issu·es d’une époque plus lointaine, une époque qui a marqué l’histoire politique et sociale de l’Etat espagnol et de la Catalogne, à savoir celle de la guerre civile et de la résistance antifranquiste. Les principaux objectifs proclamés sont clairs: indépendance de la Catalogne, instauration du socialisme, unité des pays catalans. L’évolution de cette première organisation et des suivantes s’inscrit donc dans l’histoire de ce que nous comprenons aujourd’hui comme la gauche indépendantiste catalane.

Depuis le 1er octobre 2017, la Catalogne fait l’objet d’une attention limitée mais constante dans l’actualité européenne et internationale. De ce jour-là, des images de la police et de la garde civile espagnoles ont fait le tour du monde. On y voit les forces de l’ordre agissant violemment contre des personnes de tous âges et de toutes conditions qui se sont concentrées dans les bureaux de vote de tout le territoire catalan à l’occasion d’un référendum d’autodétermination interdit par l’Etat espagnol.

Indépendamment des opinions soulevées par la revendication catalane, essentiellement fondée sur la réclamation des droits démocratiques, politiques et sociaux, le fait est que la presse internationale n’a pu ignorer ses conséquences politiques et surtout judiciaires, que ce soit le long procès télévisé et la peine de prison subséquente des dirigeant·es catalan·es en Espagne, les mobilisations de riposte monumentales – et combatives – à Barcelone et dans toute la Catalogne ou, dernièrement, le pardon accordé à ces mêmes dirigeant·es après presque quatre ans passés en prison. Pendant toute cette période, alors que les forces indépendantistes catalanes ont remporté les élections en Catalogne – totalisant 52% des voix lors de la dernière, le 14 février 2021 –, toute l’Europe a été témoin des constantes victoires judiciaires de Carles Puigdemont, le président catalan en exil, et du reste des exilé·es catalan·es en Belgique, en Allemagne, en Ecosse et récemment en Sardaigne, sous administration italienne.

Le récit historique de la lutte de la gauche indépendantiste catalane n’a rien à voir avec ce que les dirigeant·es politiques espagnol·es, aux intentions individualistes et suprématistes, veulent faire croire. Cela est d’autant plus vrai face à une diplomatie espagnole qui est elle-même une expression claire de ce qu’elle prétend dénoncer. Souvenons-nous par exemple de l’ancien président du gouvernement espagnol José María Aznar qui, avec le portugais Barroso, l’étasunien Bush et le britannique Blair, convenaient en 2003, lors du Sommet des Açores, d’une opération militaire conjointe contre l’Irak. Et que dire des récentes déclarations de M. Aznar, grossières et regrettables, qui identifient la colonisation espagnole à un processus de civilisation? Il est indéniable que l’Etat espagnol est intrinsèquement lié à un passé colonial et à un présent néocolonial, opposé à l’approche anti-imperialiste de la gauche indépendantiste.

Les organisations de la gauche indépendantiste ont joué un rôle moteur dans les processus sociaux et politiques en Catalogne, en exerçant une influence directe tant sur le choix des moyens de lutte que sur les revendications sociales liées à la construction d’un nouvel Etat indépendant. «L’indépendance, pour tout changer!» est l’un des slogans, car il ne s’agit pas de se séparer de l’Espagne pour fonder un nouvel Etat réactionnaire, mais bien pour développer un espace où construire démocratiquement le socialisme, le féminisme et l’écologisme.

L’Atelier-Histoire en mouvement et la CUAE (faitière des associations d’étudiant·es de l’université de Genève) organisent une conférence pour évoquer l’histoire du peuple catalan et de la gauche indépendantiste catalane ainsi que ses défis et perspectives actuelles. L’événement comptera avec la présence de Jordi Cuixart, président d’une organisation civile de plus de 200 000 membres, emprisonné pendant quatre ans pour avoir mobilisé en faveur de l’indépendance et du droit à l’autodétermination du peuple catalan, et de deux ancien·nes député·es de la gauche indépendantiste catalane, le journaliste David Fernandez et la militante Anna Gabriel, qui vit depuis près de quatre ans en exil à Genève. Nous vous invitons à le partager avec nous.

L’association L’Atelier-Histoire en mouvement contribue à faire vivre et à diffuser la mémoire des luttes pour l’émancipation, info@atelier-hem.org

Conférence: «La gauche indépendantiste catalane. Histoire et perspectives», lu. 11 octobre à 19h, Uni-Mail, salle MR070.

Opinions Chroniques L’Atelier-Histoire en Mouvement

Chronique liée

L'histoire en mouvement

mercredi 9 janvier 2019

Connexion