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Les plantes, les femmes et l’histoire de la vie

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Il devrait y avoir des mouvements plantistes comme il y a des mouvements féministes. Attention, plantiste ne concerne pas les véganes qui dilacèrent les plantes de leurs dents acérées! Non, je remarque juste que les plantes, parmi les êtres vivants, subissent la même dévaluation que les femmes parmi les humains.

Les animaux émerveillent par leurs comportements, même abominables. Les plantes ont juste le droit d’être belles (ou toxiques), comme les «belles plantes» des phallocrates… L’exposition actuelle du Conservatoire et Jardin Botanique de Genève nous montre que l’on peut aussi bien raconter l’histoire de la vie et ses mécanismes par les plantes, avec peu d’exemples animaux pour compléter, plutôt que l’inverse (ou pire: ne parler que des animaux, comme trop souvent). C’est justifié car la vie a commencé par des êtres qui se nourrissaient eux-mêmes, comme les végétaux, avant que les premiers animaux, qui mangeaient des plantes, inventent le cannibalisme. Une remarque judicieuse, de Jules César Vanini, à l’aube du XVIIe siècle. Même quand des animaux en dévorent d’autres, des plantes ont synthétisé la matière organique à la base de la pyramide alimentaire, l’essentiel du boulot. En bricolant, des plantes pourraient se passer des animaux, pas l’inverse! Ça rappelle ce que voudraient certaines? Elles sont encore loin du but…

Pour exposer «Le grand bazar de l’évolution», le Conservatoire et Jardin Botanique de Genève a un avantage: c’est plus facile de montrer des centaines d’espèces de plantes vivantes en liberté qu’autant d’animaux, même si c’est un gros travail de préparation et de maintenance. C’est donc toute une équipe, coordonnée par Yamama Naciri, conservatrice, et Romain Dewaele, médiateur culturel, qui a réalisé, parmi les plantes du jardin, un parcours en six étapes racontant leur histoire, leur diversification, leur classification et leurs conquêtes des milieux terrestres. Vous y découvrirez leurs sorties des eaux, les origines du pollen et des fleurs, ou la façon dont certaines plantes ont mis des centaines d’espèces animales à leur service pour satisfaire… leurs appétits sexuels!

L’exposition est prévue pour tous les âges et niveaux en sciences naturelles, depuis les dessins et les jeux pour les petits, jusqu’à des schémas astucieux pour faire comprendre des conceptions un peu compliquées de biologie évolutive. En particulier, Charles Darwin et la sélection naturelle sont remis à leurs justes places, loin du «storytelling» anglo-saxon qui domine la littérature et fait de l’ensemble sélection-compétition le seul «secret de la vie». Car les plantes montrent bien que coopération et entraide sont aussi très importantes dans les mécanismes du vivant, qui reposent avant tout sur les hasards des mutations et de la sexualité. La diversification du vivant est d’abord aléatoire et contingente – ce qui exclut toute projet ou destin programmé – avant que sélection et parfois compétition n’agissent de façon déterministe sur ses produits. Il est recommandé à tous les spécialistes, étudiants et enseignants, de lire attentivement la brochure «Le grand bazar de l’évolution», dont la forme illustrée et ludique masque une approche sérieuse et très documentée de références pertinentes souvent ignorées. Yamama Naciri, co-commissaire scientifique de l’exposition, et Tania Chytil, de TSRdécouverte, y sont pour quelque chose. Tiens, quand des femmes et des plantes prennent l’évolution en main, elle devient plus intelligente et moins brutale…

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lundi 8 janvier 2018

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