On nous écrit

Une pratique exclusive

Marzia Fiastri réagit à l’introduction du langage épicène annoncé dans notre édition du 5 mars.
Langage épicène

Lectrice du Courrier depuis plus de quarante ans, je me désole quotidiennement depuis que la rédaction a décidé de passer au prétendu «langage inclusif». On demande notre indulgence, car la démarche vise, nous dit-on, la lisibilité. Honnêtement, parler de «lisibilité» quand les mots sont ponctués de points médians relève au mieux de l’inconscience, au pire, du détournement du sens des mots. Cette pratique prétendument inclusive, mais de fait exclusive (notamment pour les dyslexiques ou pour quiconque – homme, femme, enfant, étranger – voudrait lire l’article à haute voix) atteint le summum de l’illisibilité. De ce fait j’ai de plus en plus de plaisir à lire les articles «non maison» parce qu’ils ne me heurtent pas à tout bout de champ en m’envoyant des barbarismes à la figure.

Comment supporter autant de barbarismes qui nuisent à la lecture et à la fluidité du propos? Féministe, il est pour moi fumeux de prétendre que cette graphie «fait sortir les femmes de leur invisibilité». Si on veut aider la cause des femmes, ce qui est louable, c’est au travers de combats réellement en faveur des femmes que l’on peut y arriver (comme l’a fait à juste titre l’éditorial du 16 mars en rejetant toute augmentation de l’âge de la retraite des femmes) et non en torturant le langage. L’écriture dite épicène est à la cause des femmes, ce que l’éco-blanchiment (greenwashing) est à l’industrie pétrolière et chimique. Je suis femme, ai milité toute ma vie, et ne me suis jamais sentie «invisible».

En revanche, ma formation de traductrice et d’enseignante est constamment heurtée à par cette pratique néo-féministe qui déforme les mots. La rédaction nous demande de faire preuve d’indulgence – et je sais qu’en fait elle s’adresse à celles qui souhaiteraient qu’elle en fasse plus! Mais pour quiconque aime la langue, c’est en fait déjà beaucoup nous demander; je dirais même, à mon grand dam, bien trop!

Marzia Fiastri,
Genève

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