Ubérisation de la démocratie
Le Ministère public genevois, par la plume du Procureur général, Olivier Jornot, a validé une curieuse pratique: payer des personnes pour qu’elles récoltent des signatures dans le cadre de référendums ou d’initiatives est jugé légal. Ceci alors que la loi genevoise proscrit ce genre de méthodes contraires à l’esprit de la démocratie semi-directe.
C’est l’UDC qui avait été prise la main dans le sac cet été (voir Le Courrier des 7 et 13 août), l’ordonnance de non-entrée en matière le confirme. Se fondant sur une jurisprudence datant de l’ère de son prédécesseur, Bernard Bertossa, Olivier Jornot conclut pourtant que seul le fait de payer par signature récoltée serait contraire au droit. Il pousse même le raisonnement, en bon libéral qu’il est, dans de douteux retranchements en questionnant la conformité de l’interdiction genevoise de ces pratiques avec le principe de la liberté de commerce…
Inquiétant, mais pas vraiment étonnant. L’argent achète beaucoup de choses, y compris la démocratie. Du poids des lobbies au Parlement fédéral, en passant par l’inféodation des députés bourgeois aux intérêts économiques à coup de sièges grassement payés dans des conseils d’administration, en passant par la disproportion manifeste des moyens lors des campagnes de votation ou d’élection. N’en jetez plus, la coupe est pleine. Enfin, à droite surtout.
L’ordonnance Jornot marque simplement un pas nouveau dans ce processus de marchandisation politique. L’étape de l’ubérisation de ce domaine aussi. Car prétendre que les pseudo-contrats à l’heure de ces agences livrant des paquets de signatures clés en main serait autre chose qu’un biais pour contourner la loi tient de l’argument spécieux. Du même acabit que ces livreurs de pizzas présentés comme des entrepreneurs indépendants par des géants du Web.
Bienvenue dans la modernité de la politique 2.0.