Édito

Ces piliers invisibles

Ces piliers invisibles
Considérées par confort psychologique comme des «membres de la famille», en réalité piliers invisibles de nos sociétés, les nounous consacrent leur énergie à d’autres familles que la leur. KEYSTONE/PHOTO PRÉTEXTE
Care

Quelle famille romande n’a pas été concernée par ces travailleuses domestiques qui s’occupent des enfants, des malades, des aînés? Ou qui font le ménage, dégageant du temps pour faciliter la vie de celles et ceux d’entre nous qui les emploient? Les parcours de ces soutières du care, lourds de sacrifices, forcent le respect. Or on leur demande de s’échiner sans faire de vagues, alors que leur activité porte souvent la marque de l’exploitation. Une réalité à laquelle il est dur de se confronter lorsqu’on a le sentiment de bien faire, souvent de bonne foi.

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Barèmes salariaux non respectés, accès aux assurances sociales limité, cumul des tâches (garde d’enfants, ménage, courses diverses), voire, dans certains cas, violences physiques ou psychologiques, les abus subis par les nounous et aides ménagères sont nombreux. Facilités par le statut précaire de ces «bonnes à tout faire» lorsqu’elles sont sans papiers.

Certains préjugés vis-à-vis du labeur domestique ont la vie dure. On peine à lui accorder une valeur à la hauteur de son impact réel. Considérées par confort psychologique comme des «membres de la famille», en réalité piliers invisibles de nos sociétés, les nounous consacrent leur énergie à d’autres familles que la leur. Elles s’y impliquent émotionnellement, jouent un rôle éducatif qui constitue une externalisation des tâches relevant de la sphère privée, dans une chaîne de rapports asymétriques. Rapports sociaux de classe, de «race» et de sexe inscrits dans la machine de production capitaliste globalisée.

Nombreuses sont ces employées immigrées qui travaillent au noir, alors que le dispositif légal existe (le chèque-emploi). C’est que les cantons romands ont conscience de l’impossibilité de faire sans ces mains invisibles, de la nécessité de leur garantir un revenu décent, sans exploitation de leur vulnérabilité.

Incompressibles et essentielles, exigeant du soin et de l’attention, ces tâches nécessitent une revalorisation à la fois symbolique et salariale. La responsabilité de l’Etat est de garantir un cadre sécurisé. Celle des particuliers, de reconnaître pleinement l’importance des tâches d’une nounou, en excluant de cette transaction tout mécanisme d’emprise ou de chantage, qu’il soit affectif ou économique.

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