Un Genevois trop bien acueilli
Aujourd’hui, des historien.n.e.s coura- geux.ses travaillant sur l’esclavage nous rappellent que l’histoire officielle n’est pas nécessairement celle de toute une population ni de tous les peuples. Le Père Babel – notre compatriote ori- ginaire de Veyrier – fut certes un carto- graphe minutieux du Labrador; il a certes découvert les «gisements de fer qui allaient faire la richesse de Sheffer- ville», mais cette découverte a aussi provoqué la misère des habitants du lieu, les Innus. C’est pourtant bien eux qui l’ont guidé et nourri lors de ses pé- riples en forêt, ces «sauvages» qu’il a tôt fait d’oublier en rendant grâce à Dieu lorsqu’un chasseur vient lui apporter du gibier pour son repas.
L’ouverture des mines de fer a gra- vement perturbé le genre de vie des Innus. Leurs territoires de chasse, trappe, pêche et cueillette dans les- quels ils nomadisaient leur ont été en- levés. Leur sédentarisation et leur concentration en réserves, grande- ment encouragées par les gouverne- ments fédéral et provinciaux et par les Eglises catholique et anglicane, vi- saient clairement leur disparition. Si- multanément, leur territoire qu’ils ap- pellent Nitassinan – et avec lequel ils entretiennent toujours des liens spiri- tuels forts – était livré aux compagnies minières et forestières avec la bénédic- tion, cette fois-ci, de l’Etat.
Aujourd’hui, les Innus négocient avec les gouvernements pour récupérer leur territoire et transmettre leur culture aux jeunes générations. Ils sont tournés vers le futur. Ici, nous en sommes encore à une vision uni-laté- rale et désuète de l’Histoire. Le point de vue des Peuples Autochtones doit être connu afin que nos explorateurs, scien- tifiques et ingénieurs complètent leur expertise en consultant leurs représen- tants s’ils veulent en explorer le terri- toire et/ou en exploiter les ressources.
PIERRETTE BIRRAUX, géographe et historienne, Genève