Édito

A la conquête de notre espace

A la conquête de notre espace
La crise actuelle rend de la valeur à toutes les idées pour repenser notre environnement. KEYSTONE/IMAGE D'ILLUSTRATION
Coronavirus

Il y a les personnes qui se retrouvent face à elles-mêmes. Et celles qui affrontent un quotidien assourdissant, résonnant entre leurs quatre murs. «Rester chez soi», cette affaire désormais expérimentée par un large pan de l’humanité, ne déploie pas les mêmes effets pour tout le monde. Elle révèle les inégalités spatiales et les fossés sociaux, économiques et culturels.

Les injonctions à redécouvrir son intérieur et la sobriété heureuse pleuvent. Cela peut s’avérer bénéfique, mais demande aussi de la disponibilité et un capital culturel. Les écrans et la publicité clinquante martèlent à longueur d’année les principes de la consommation sans conscience; des millions de gens ne vont pas soudain s’épanouir en lisant un bon bouquin sur leur canapé, leurs sages enfants sur les genoux.

Les inégalités face au confinement et à l’accès à l’espace public sont identifiées. Déjà sous le confinement, et durant les années à venir, les décisions politiques devront prendre ces réalités en compte et se plier aux besoins de la population plutôt qu’à ceux des lobbies, sur le temps long. Ces constats montrent qu’il n’est pas anodin de fermer les parcs, y compris pour des raisons sanitaires. Les espaces verts sont des poumons pour la ville et une respiration pour les humains, indispensable surtout lorsqu’on fait partie d’un foyer qui partage un petit appartement en famille.

La crise que nous traversons rappelle la valeur des luttes au quotidien contre le pouvoir capitaliste, des banques et des régies, des promoteurs immobiliers, des médias de masse et des courants urbanistes qui nous écrasent sous des cubes de béton devenant sarcophages dès lors qu’on ne passe plus neuf heures par jour dehors à travailler pour payer le loyer. Elle montre une voie à suivre, qui s’écarte du mode de vie où tout tourne à l’utilitarisme, où chaque centimètre carré de l’espace public est monétisé, destiné aux travailleurs pressés, aux flux. Elle rend de la valeur à toutes les idées pour repenser notre environnement et notre habitat et redonne tout leur sens aux espaces destinés à la flânerie et à l’errance, aux marges, aux lieux où passer du temps sans procéder à une transaction monétaire.

La crise sanitaire terrible que la planète traverse a de quoi faire sombrer dans un état de sidération. Elle pourrait aboutir à des actes concrets, à commencer par ceux permettant aux citoyens de repartir à la conquête de leurs espaces de vie.

Opinions Édito Laura Drompt Coronavirus

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jeudi 26 mars 2020 Roderic Mounir
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