Édito

L’égalité se joue aussi dans les préaux

L’égalité se joue aussi dans les préaux
Depuis une année, un établissement du centre-ville genevois expérimente une série de mesures visant à rendre son préau non-genré. ERIC ROSET
École

L’image est stéréotypée mais elle se répète à l’envi, d’école en école. A la récré, les garçons jouent au foot sur un terrain trônant généralement triomphalement au centre de la cour. Les filles, à la marge, discutent sur un banc ou jouent à de plus discrets jeux. Innocente répartition? Simple reflet de intérêts des uns et des autres? Pas vraiment. Le préau est le premier espace public que les enfants investissent. Il est aussi le lieu où s’expérimentent les premières inégalités de genre. Un espace où s’ancrent et se cristallisent en partie des réflexes et des attitudes appelés à durer.

Revendication importante de la Grève des femmes, la réappropriation de l’espace public – dont elles profitent moins aisément que les hommes, lorsqu’elles n’en sont pas simplement chassées – peut-elle débuter à l’école primaire? A Genève, on veut y croire. Depuis une année, un établissement du centre-ville expérimente une série de mesures visant à rendre son préau non-genré. Exit donc les buts de football en plein milieu de la cour. Les esthètes du ballon rond sont priés de faire leurs passements de jambes un peu plus loin. A la place, on a notamment installé des tables de ping-pong ou encore un coin «cirque». D’autres sports, inventés par les élèves, ont aussi fait leur apparition.

L’initiative est louable. Elle a le mérite d’interroger les rapports de genre et de déconstruire une distribution des rôles qu’on considère trop facilement comme «naturelle». Mais comme souvent lorsqu’il s’agit de sujets touchant à l’égalité et n’étant pas immédiatement appréhendable – comme l’égalité salariale par exemple –, elle a dû faire face à d’hystériques colères patriarcales.

Les garçons seraient sacrifiés sur l’autel des expérimentations de féministes castratrices. Condamnés à porter dès leur plus jeune âge le fardeau d’une culpabilité qu’ils n’ont pas méritée. Une crainte ridicule. Comme si aborder le racisme anti-Noir à l’école accablait les enfants blancs…

Etonnamment, ces cris d’orfraie ne tiennent jamais compte des gains potentiels d’une telle expérience. Pour les filles d’abord, d’avoir une possibilité supplémentaire de s’affirmer, de prendre conscience de leur légitimité dans l’espace public. Pour les garçons, de s’affranchir des toxiques injonctions à la virilité. Pour tous, jeter les bases d’une vie d’adultes respectueux et égalitaires.

>>> Lire notre article: Dans les préaux du genre

Opinions Édito Mohamed Musadak École Ecole genevoise Genève

Autour de l'article

Dans les préaux du genre

mardi 11 février 2020 Marie Crittin
Depuis début septembre, le préau de l’école du XXXI décembre est repensé à l’angle du genre. Une motion a été déposée pour élargir cette transformation à d’autres écoles.

Connexion