Chroniques

3: Payer son journal préféré

A l’heure où chaque média doit réinventer son modèle économique, et où le monde politique et industriel cherche des solutions pour aider la presse, il nous a paru important de partager avec nos lectrices et lecteurs notre propre perception de ces enjeux. Suite de notre série.
L'information a un coût

Nous le martelons depuis le début de cette série: l’information c’est du travail, donc des emplois qu’il faut rémunérer. Et dont la source de financement ne provient pas uniquement du lectorat.

La publicité, nous l’avons vu, était depuis très longtemps la ressource la plus importante des quotidiens. Le pas supplémentaire qui a été franchi avec l’apparition des quotidiens gratuits (Le Matin bleu en octobre 2005 et 20 Minutes en 2006 pour la Suisse francophone) n’aurait pas dû surprendre: il existait déjà nombre d’hebdomadaires régionaux gratuits, distribués en tous-ménages et bien identifiés par une grande part du public comme des supports publicitaires. Les quotidiens gratuits, eux, se sont présentés comme un nouveau produit ciblant prioritairement les jeunes urbains (15-30 ans) et furent distribués d’abord dans les gares. Comme si soudain on offrait massivement des petits pains, joliment emballés dans des publicités colorées. Qui irait encore chez son boulanger acheter du pain?
Pour rappel, ce sont les grands groupes de presse qui ont lancé les gratuits; il s’agissait en fin de compte de vendre aux annonceurs le lectorat très recherché des 15-30 ans. Ces grands éditeurs ont, en quelque sorte, servi de l’information populacière et rapide – équivalente à la cuisine du même nom. Avec les aléas que l’on connaît.

Rebelles à cette configuration, des irréductibles ont persisté – et persistent toujours! – à payer pour une information choisie. Nos lecteurs et lectrices en font partie. Certaine-s vont même jusqu’à apporter un soutien supplémentaire sous forme de dons ou de travail bénévole. Plus de 1500 personnes participent ainsi chaque année à notre levée de fonds (souscription), tandis que plus de 2700 abonné-e-s, en optant pour le prix coûtant ou de soutien, offrent au Courrier un complément bienvenu.

Ce ne sont là que les parties visibles de l’iceberg qui porte Le Courrier. Plus caché-e-s, de nombreux-ses bénévoles participent à l’aventure: les membres du comité de la Nouvelle Association du Courrier apportent gratuitement leurs compétences et leur force de travail pour faire vivre la structure associative; les membres de l’Association des lecteurs (ALC) nous soutiennent dans des actions de promotion et en organisent par eux-mêmes. Et sur le plan rédactionnel, une vingtaine de plumes extérieures confirmées contribuent, sans être défrayées, à alimenter nos pages par leurs analyses et réflexions via des chroniques régulières.

Tout aussi discret, l’engagement des employé-e-s du Courrier n’apparaît nulle part. La grille salariale du journal est globalement basse et volontairement plate; l’écart entre le plus haut salaire et le plus bas n’est que de 47%, pas même la moitié. Il n’y a pas de CEO payé des millions au Courrier, mais des salarié-e-s fiers-ères de ce qu’ils ou elles font en sachant qu’ils ou elles pourraient bien mieux gagner leur vie ailleurs.

C’est ça, Le Courrier: des lecteurs et lectrices qui savent le prix de l’information et une équipe plus convaincue par le sens de l’engagement professionnel qu’attirée par des salaires conséquents.

En bref, des gens qui paient pour une info de qualité.

Opinions Chroniques Eva Fernandez

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