Vous avez dit «Uber»?
Le bras de fer se poursuit entre la célèbre plateforme de transport et les autorités genevoises. Vendredi, Uber s’est vue interdite d’activité dans le canton du bout du lac – décision suspendue le temps d’un recours en justice – parce qu’elle contrevient au Code des obligations et à la loi dédiée à ce secteur.
Et le cas n’est pas unique: ce service a été banni de Bulgarie, du Danemark, de Hongrie, de certaines villes allemandes et jusqu’en Californie, qui l’a vu naître. Depuis le début des années 2010, Uber se targue de participer à une nouvelle ère, celle de l’économie du partage. Or elle a dévoyé ce qu’est réellement une économie du partage pour la transformer en gig economy (économie à la tâche). Un moyen de capitaliser d’immenses sommes d’argent en se basant sur des salariés qu’elle s’épargne de déclarer et de protéger ainsi que le devrait un employeur.
C’est l’une des forces de ce système: il maintient sous sa coupe celles et ceux qui veulent croire à leur indépendance alors même qu’un seul acteur – la plateforme – a toutes les cartes en main. A eux les risques, les congés non payés, l’entretien du véhicule, les retraites misérables faute de cotisations décentes, les failles dans le droit au chômage. A Uber, la mainmise sur l’accès à son service, le prix des courses et l’encaissement de l’argent. Une relation asymétrique, voire toxique, que le cinéaste Ken Loach décrit dans son dernier film Sorry we missed you, avec ses néfastes effets de paupérisation et de sous-enchère sociale.
Cette économie est la suite du capitalisme industriel. Elle rompt les liens entre fiscalité et droits sociaux. Là où s’implantent ces entreprises, avec leurs corollaires de géants du web, Amazon, Google, Facebook et consorts, des montages financiers passant par les paradis fiscaux privent les collectivités des revenus qui devraient être générés.
Les maux sont connus, ils n’empêchent pas certains d’accueillir à bras ouverts une économie sapant les rentrées financières des Etats et détruisant les emplois stables au passage. A l’image de Pierre Maudet, du temps où il était à la tête de l’emploi, dont le représentant d’Uber a déclaré qu’il n’avait «jamais rencontré une oreille aussi attentive des autorités». La récente décision de Mauro Poggia montre que les temps ont changé. Et que les garanties pour des conditions de travail dignes peuvent primer sur l’attrait de modèles économiques prédateurs. De quoi inspirer Lausanne, Zurich ou Bâle où roule également Uber?