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Le droit d’être assisté par un avocat est essentiel dans une procédure pénale

Chronique des droits humains

Le 30 juillet dernier, dans deux arrêts rendus simultanément, la Cour européenne des droits de l’homme a dit que la Turquie avait violé l’article avait violé l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans son volet pénal, qui garantit à toute personne le droit à un procès équitable1>Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 30 juillet 2019 dans l’affaire Harun Gürbuz c. Turquie (2ème section) – Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 30 juillet 2019 dans l’affaire Nezir et Ahmet Ürek c. Turquie (2ème section).

Dans la première affaire, le requérant avait été condamné, notamment pour meurtre et vol, à une peine d’emprisonnement à perpétuité. La condamnation se fondait notamment sur des aveux du requérant alors qu’il était interrogé par la police sans la présence de son avocat. Lors du procès, il avait déclaré que ces aveux avaient été obtenus sous la contrainte et qu’il n’avait pas eu la possibilité de lire le procès-verbal de son interrogatoire qu’il avait été contraint de signer.

Dans la deuxième affaire, les requérants avaient été condamnés pour avoir diffusé de la propagande en faveur d’une organisation terroriste (le PKK), d’avoir participé à une manifestation alors qu’ils étaient en possession d’objets interdits, d’avoir résisté aux forces de sécurité et de les avoir entravées dans l’accomplissement de leur devoir, ainsi que d’appartenir à une organisation illégale. Les faits concernaient la participation en 2009 à une manifestation tenue dans une ville du Sud-Est de la Turquie pour protester contre les conditions de détention d’Abdullah Öcalan, le leader du PKK. Au mois de juin 2010, huit policiers qui avaient participé à l’arrestation des requérants comparurent spontanément devant le Tribunal pour témoigner, hors de la présence des requérants ou de leurs avocats. Deux des huit policiers affirmèrent avoir vu toutes les personnes arrêtées jeter des pierres et scander des slogans illégaux pendant la manifestation, version qui différait des déclarations qu’ils avaient faites au stade de l’enquête. Les requérants, quant à eux, soutinrent qu’ils n’avaient pas participé à la manifestation et ne savaient rien des pancartes de soutien à Abdullah Öcalan que la police avait trouvées après la dispersion de la manifestation. Le Tribunal refusa de réentendre les policiers en présence des requérants et de leurs avocats.

La cour réaffirme que l’accès à un avocat durant la phase préalable au procès contribue à la prévention des erreurs judiciaires et, surtout, à la réalisation des buts poursuivis par l’article 6 de la Convention, notamment l’égalité des armes entre l’accusé et les autorités d’enquête ou de poursuite. L’accès à bref délai à un avocat constitue un contrepoids important à la vulnérabilité des suspects en garde à vue. Un tel accès est également de nature préventive, offrant à ces derniers une protection essentielle contre la coercition et les mauvais traitements dont ils peuvent être l’objet de la part de la police. La tâche de l’avocat au stade de la garde à vue et de l’enquête consiste aussi à veiller au respect du droit de tout accusé de ne pas s’incriminer lui-même et de garder le silence. Dans la première affaire, l’absence d’un avocat lors des deux premiers interrogatoires du requérant, au cours desquels des aveux ont été signés, constitue ainsi une violation du droit au procès équitable garanti par la Convention.

De même, la cour réaffirme le principe selon lequel, avant qu’un accusé puisse être déclaré coupable, tous les éléments à charge doivent en principe être produits devant lui en audience publique, en vue d’un débat contradictoire. Les déclarations d’un témoin qui n’a pas comparu, constituant le fondement unique ou déterminant de la condamnation, ne sont admissibles, au regard des exigences de la Convention, que s’il existait un motif sérieux justifiant la non-comparution du témoin et pour autant qu’il existe des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission d’une telle preuve et pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble. Dans la deuxième affaire, le fait que les policiers étaient en service loin du Tribunal lors de la reprise d’audience n’était pas une raison suffisante pour ne pas les réentendre et aucun élément compensateur n’a été pris pour contrebalancer l’absence de la défense lors de leur premier témoignage.

Notes[+]

L’auteur est avocat au Barreau de Genève et membre du comité de l’Association des juristes progressistes

Opinions Chroniques Pierre-Yves Bosshard

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