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C’est ­compliqué…

(Re)penser l'économie

Lorsque l’on parle d’économie, il est ­fréquent, d’entendre des réactions du genre: «Je n’y comprends rien», «C’est compliqué». Il ne s’agit pas ici de prétendre que l’économie, et surtout les relations économiques, sont d’une grande simplicité. En effet, comme toutes les relations humaines, les rapports économiques sont souvent complexes. Mais complexe ne signifie pas incompréhensible. En cette veille de période de vacances, nous vous proposons un petit livre de poche qui a l’avantage de déconstruire un certain nombre de mythes autour de l’économie et cela, de manière concrète1>Traité d’économie hérétique, En finir avec le discours dominant, Thomas Porcher, Pluriel, 2019.

Tout d’abord quelques mots sur l’auteur car, comme en toute chose, il est nécessaire de savoir à partir de quel point de vue il s’exprime. Thomas Porcher est professeur d’économie et membre des Economistes atterrés, une association de chercheurs et d’experts en économie qui s’opposent à l’orthodoxie néolibérale. Il se situe politiquement à la gauche du Parti socialiste français.

Le livre commence par l’énoncé d’affirmations considérées comme des vérités immuables du style «le code du travail empêche les entreprises d’embaucher» ou encore «le libre-échange profite à tous». L’objet du livre est de déconstruire ce type d’allégations en montrant qu’elles permettent de justifier toutes les régressions sociales mises en œuvre dans le cadre du néolibéralisme. Et que les «vérités» d’aujourd’hui sont contredites par des éléments factuels. S’ensuit une démonstration convaincante sur le fait que l’économie n’est pas une science, même si elle s’appuie sur des disciplines scientifiques comme les mathématiques.

Ce dernier aspect est important car les partisans de l’économie néolibérale tentent de faire croire que les choix en matière économique seraient dictés par des vérités scientifiques et que toute politique économique alternative est impossible. De fait, cette approche vise justement à justifier des orientations qui sont bel et bien idéologiques et politiques. Comme le dit l’auteur, pour dominer un esprit libre, il faut lui imposer un cadre de réflexion et celui-ci doit apparaître comme naturel.

Après avoir constaté que le petit pourcentage d’individus qui s’accaparent la majorité des ­richesses a intérêt à faire croire qu’il les mérite, Porcher remet en cause le mythe de la réussite individuelle qui tente de faire admettre que les individus sont maîtres de leur destin, indépendamment du cadre économique dans lequel ils évoluent. Examinant ensuite les réformes du marché du travail, qui visent toutes à réduire les droits des travailleurs, mais qui seraient sensées faciliter la création d’emplois, l’auteur montre qu’il n’existe aucun consensus scientifique confirmant cette thèse. Un chapitre est consacré à la financiarisation de l’économie et met en ­évidence l’impact négatif de celle-ci sur le salariat, mais aussi sur les entreprises elles-mêmes.

Abordant la question des dépenses et de la dette publique, l’auteur remarque que, selon la pensée dominante, il faut diminuer la dépense publique quand il s’agit de services publics mais jamais quand il s’agit de subventions offertes aux entreprises. Il analyse le rôle fondamental de la dépense publique qui ne peut pas être considérée comme un prélèvement sur la richesse produite et relève que la remise en cause des services publics a pour ­objectif la casse du modèle social.

Après avoir abordé la question de l’environnement dans un chapitre intitulé l’hypocrisie climatique, Porcher traite du libre-échange comme arme de domination massive, alors que les grandes puissances économiques actuelles se sont toutes construites en usant du protectionnisme. Les traités de libre-échange servant avant tout le pouvoir des multinationales. L’auteur scrute le rôle du FMI, relevant que ses prêts ont toujours pour objectif de contraindre à la libéralisation de l’économie, laquelle profite essentiellement aux multinationales qui bénéficient dès lors de moins de réglementations, de baisses d’impôts, d’une main-d’œuvre plus flexible et des privatisations du secteur public.

Le livre se termine par l’énoncé de dix principes d’autodéfense contre la pensée dominante, que nous vous laissons le soin de découvrir et qui sont très utiles pour la réflexion et l’action.

Notes[+]

L’auteur est membre de SolidaritéS, ancien député.

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