Édito

Ne pas usurper leur fierté

Ne pas usurper leur fierté
KEYSTONE-A
Genève

Pinkwashing ou opportunité de promouvoir la cause LGBTIQ? La Marche des fiertés, à Genève, n’échappe pas à la récurrente polémique sur la présence des entreprises qui sponsorisent le rendez-vous – une semaine d’événements démarrant ce samedi et culminant le suivant avec la marche proprement dite. Dans une lettre aux organisateurs, plusieurs groupements demandent que les entreprises soient reléguées en fin de cortège.

La demande, modérée puisqu’il n’est pas exigé de les exclure, semble légitime. Parmi les sponsors, on trouve par exemple Philipp Morris. Or les membres de la communauté LGBTIQ sont statistiquement plus enclins à consommer du tabac. On devine l’opportunité commerciale qu’il y a à approcher et choyer ce public cible. Quelle que soit l’intention ou le degré de «diversité de façade» (traduction de «pinkwashing»), les signataires ont raison de refuser que la fête, consubstantiellement politique, soit détournée à des fins commerciales ou réduite à une parade de marques. La Pride doit rester le moment des militants, des associations et groupes LGBTIQ qui luttent sur la durée et sur le terrain contre les discriminations. Leur fierté ne doit pas être récupérée.

Ou pire, polluée par des messages contradictoires d’entreprises qui cherchent à se donner un coup de peinture rose. Ainsi de ces grandes banques qui s’affichent gayfriendly, tout en faisant des affaires en Arabie saoudite, où l’on passe les «sodomites» au sabre. L’un des sponsors, une entreprise pharma commercialisant des traitements contre le VIH, a été accusée d’empêcher l’accès à des médicaments à prix modérés dans des pays en développement.

Dans une autre perspective, on peut voir cette présence d’entreprises comme le constat que les revendications LGBTIQ gagnent du terrain et sont portées dans le monde du travail. Mais à quel point ces sociétés appliquent-elles en leur sein des pratiques favorables à la diversité? Les organisateurs de Prides devraient peut-être fixer des critères plus sérieux au sponsoring.

Encore faut-il être en mesure de les vérifier. Peut-on demander un tel travail à des bénévoles qui n’ont pas rechigné face à l’ampleur de l’événement? Et leur reprocher de chercher des financements privés alors que l’argent public ne couvre pas tous les frais? Vu ainsi, cantonner les marques en fin de cortège semble un compromis acceptable. Serait-ce déjà trop demander?

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Pride romande 2019

vendredi 28 juin 2019
Retrouvez dans ce dossier nos articles consacrés aux enjeux des droits LGBTIQ+, en lien avec la Marche des fiertés qui se tient à Genève jusqu’au 7 juillet.

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