Édito

Congé paternité: il faudra aller plus loin

Congé  paternité: il faudra aller plus loin
Le Conseil des Etats a soutenu jeudi le projet de congé paternité de deux semaines, s’opposant de la sorte à un Conseil fédéral obstinément fermé à cette question. KEYSTONE
Congé paternité

Les jeunes pères pourraient, dans un proche avenir, bénéficier d’un congé paternité de deux semaines. Le Conseil des Etats a soutenu jeudi ce projet, s’opposant de la sorte à un Conseil fédéral obstinément fermé à cette question.

Du côté du verre à moitié plein, saluons bien sûr le progrès annoncé. La Suisse est tellement à la traîne en la matière que cela en devient ridicule. Les pères helvètes sont les moins bien traités d’Europe et le pays est devenu une espèce de réserve «enfantophobe».

La formidable dynamique impulsée par la grève féministe qui a secoué le cocotier suisse le 14 juin a sans doute aidé à faire bouger les lignes de crête. Ouf!

Constatons tout de même que le compromis – un contre-projet indirect à une initiative demandant quatre semaines – est par trop minimaliste. Il s’agit de mettre à mal le bon vieux patriarcat, celui de la répartition sexuée et conservatrice des tâches. En ce sens, les pratiques suisses ne correspondent d’ailleurs plus au cadre législatif.

Les excuses avancées jeudi pour combattre la timide avancée sentaient la naphtaline. Les PME ne seraient pas en mesure d’assumer un tel congé, ont pleurniché certains sénateurs bourgeois. Ces soucis disparaissent comme par miracle lorsqu’il est question de service militaire. Sans oublier que les congés sont indemnisés via les allocations pour perte de gain (APG), sur le modèle de l’assurance maternité. La charge pour l’économie est faible: 0,06 point!

L’avancée décidée jeudi doit être un premier pas. Deux semaines de congé sont bien trop courtes, tout comme le congé maternité. D’autres pays connaissent des durées nettement plus longues, de l’ordre de l’année, voire plus, en prévoyant un partage du congé parental. L’égalité ne doit pas être un vain mot.

C’est bien une révolution copernicienne qu’il faut appeler de nos vœux. L’instauration d’assurances sociales à même de garantir la sphère d’autonomie inhérente à chaque personne. Un système où chacune et chacun puisse s’épanouir, s’occuper de ses enfants, de ses proches ou des tâches ménagères est bien plus durable que l’actuelle tendance à externaliser et marchandiser tous ces services, qui implique des coûts importants et génère des mécanismes d’aliénation mortifères.

Ces progrès sociaux ont un double avantage. Ils sont à la fois compatibles avec une économie de marché – tous les pays européens connaissent des congés parentaux de ce type – et porteurs d’une vraie dynamique de changement de société, plus égalitaire, plus juste et plus épanouissante.

La vieille question de la réforme et de la révolution, en fait.

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