Édito

Une inaction qui brise

Une inaction qui brise
KEYSTONE
Asile

Le foyer genevois de l’Etoile pour requérants d’asile mineurs non accompagnés fait encore parler de lui. Après le décès du jeune Ali le mois passé, un nouveau fait vient défrayer la chronique. Une vidéo datant de 2016, que Le Courrier a pu se procurer, montre des agents de sécurité s’en prenant aux habitants du centre. Tandis qu’un des jeunes gît inerte sur le sol, une rixe oppose les mineurs aux adultes censés les protéger. Malgré la mauvaise qualité des images, on parvient à distinguer Ali… De quoi jeter une lumière encore plus crue sur les épreuves qu’il a dû endurer durant son séjour à l’Etoile.

Derrière ces scènes de pugilat, que l’Hospice général considère comme exceptionnelles, se pose encore une fois, comme une insupportable rengaine, la question du sort de ces adolescents doublement vulnérables. Quel type d’encadrement leur faut-il? Et que fait-on d’eux une fois adultes?

Actuellement, la situation est intenable. Alors qu’ils sont arrivés enfants, ils ont subi des conditions de vie que beaucoup d’adultes auraient de la peine à supporter. Quant au projet éducatif, il prend subitement fin le jour de leurs 18 ans. Dépendants de divers services et structures pour adultes dès leur majorité, certains peuvent poursuivre leur formation, d’autres – les jeunes Erythréens notamment – non.

Une inconséquence que de nombreux acteurs institutionnels dénoncent depuis longtemps. Qu’il s’agisse de la Cour des comptes, de l’Hospice général ou des professionnels sur le terrain, tous préconisent une prise en charge éducative jusqu’à 25 ans. Pour une meilleure intégration. Pour que ces jeunes, qui resteront pour la plupart en Suisse, aient réellement une chance de s’en sortir.

Récemment – notamment dans les colonnes du Courrier du 12 avril –, c’est le Conseil d’Etat, par la voix de Thierry Apothéloz, magistrat chargé de la cohésion sociale, qui défendait cette mesure. Mais qu’a fait le gouvernement jusqu’à présent pour accompagner ses vœux pieux?

Pas grand-chose à vrai dire. Il a décidé de mandater la Haute école de travail de social pour étudier la mise en place de cette prise en charge. Ses conclusions sont attendues cet été. Comme si la mesure ne faisait pas déjà l’unanimité dans le milieu et ne relevait pas de l’urgence. Comme si l’Etat – qui a engrangé 222 millions de francs de bénéfices en 2018 – devait racler les fonds de tiroirs pour appliquer cette modeste politique.

Et pendant qu’on perd en conjectures et en vaines palabres un temps précieux– que ces jeunes n’ont pas –, des vies se brisent.

Opinions Édito Mohamed Musadak Asile

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