Édito

Funeste pacte migratoire

Funeste pacte migratoire
Des protestataires demandaient en mars 2020 devant le Conseil d’Europe à Bruxelles l’ouverture des frontières européennes. KEYSTONE-ARCHIVES
Migration

La coïncidence est tragique mais révélatrice. Mercredi 10 avril, trois petites filles de 5, 7 et 10 ans ont été retrouvées mortes sur une côte de l’île grecque de Chios, en mer Egée. Ces enfants voyageaient sur un bateau transportant une trentaine d’exilé·es, la plupart originaires d’Afghanistan, selon la chaîne de télévision grecque ERT.

Quelques heures plus tard, une majorité du parlement européen (allant de la droite à la social-démocratie) adoptait le «pacte sur la migration et l’asile». Cette série de textes législatifs donne un tour de vis supplémentaire à une politique migratoire hyper-répressive.

Parmi les principales mesures du traité, on trouve en effet la mise sur pied de camps d’enfermement aux frontières de l’Union – où même des enfants en bas âge pourront être détenu·es. Elle sera doublée d’une accélération des procédures visant à multiplier les renvois. «Ce pacte aura des conséquences dévastatrices sur le droit à la protection internationale dans l’Union européenne et permettra des abus dans toute l’Europe, y compris le profilage racial, la détention par défaut et les refoulements», dénonçaient 161 organisations de la société civile (dont Amnesty International, Human Rights Watch et Oxfam) à la veille du vote au parlement européen.

En 2023, près de 4000 personnes sont mortes en tentant de trouver refuge sur le continent européen; la majorité d’entre elles ont péri dans la Méditerranée, transformée en cimetière pour 28000 exilé·es entre 2014 et 2023 1>Organisation internationale des migrations: A decade of documenting migrant deaths, 2024.. En traquant et repoussant les migrant·es sans s’attaquer aux raisons de leur exil forcé – les guerres, l’exacerbation des inégalités et la crise climatique, phénomènes pourtant liés aux politiques néolibérales promues par l’UE –, le pacte migratoire adopté mercredi aggravera la tragédie qui se joue aux frontières de la forteresse Europe.

Cette politique meurtrière trouve des relais zélés en Suisse. Marchant dans les pas de l’UDC, le conseiller aux Etats PLR Andrea Caroni a ainsi récemment demandé au Conseil fédéral d’examiner les possibilités d’externaliser les procédures d’asile; ses collègues Petra Gössi et Damian Müller exigent le renvoi des requérant·es d’asile érythréen·nes vers l’Albanie ou le Rwanda.

En 2015, un vaste mouvement citoyen de solidarité avec les réfugié·es avait parcouru l’Europe et la Suisse. Sa réactivation semble la seule piste à même de combattre le funeste dispositif anti-exilé·es qui se renforce.

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