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Recherche homme désespérément…

POLYPHONIE AUTOUR DE L’ÉGALITÉ

Le 8 mars dernier, à diverses reprises, sous forme de semi-boutades, a-t-on entendu la proposition suivante: «Il faudrait aussi une journée des hommes.» Ces déclarations faussement provocatrices rendent compte d’une tendance qui consiste à promouvoir l’égalité entre les sexes en réclamant des actions destinées aux hommes, sous prétexte que ces derniers auraient été laissés sur le bord de la route par les politiques publiques de l’égalité. Ainsi, outre les articles relatant les difficultés auxquelles sont confrontées les garçons dans l’école publique égalitaire, mais par trop féminisée, il n’est plus un seul événement sur un thème de société en général, ou sur celui de l’égalité en particulier, où l’on n’entend pas: «Il n’y pas d’homme parmi les intervenants! Il faut absolument inviter un homme!» Se préoccuper des hommes, mettre en place des actions spécifiques pour eux, leur donner la parole devient une condition sine qua non de l’action publique. Se limiter aux seules femmes serait aller à contresens d’une égalité véritable.

D’aucun-e-s diront qu’il s’agit d’une réaction légitime, la réalisation de l’égalité supposant la parité et la mixité. Ainsi, s’il convient de promouvoir les femmes dans les domaines où elles sont sous-représentées – les métiers techniques et les postes de cadre –, il s’agit également d’encourager des hommes dans les champs où le sexe masculin est minoritaire. Pourtant, compte tenu des conditions salariales et des perspectives d’évolution dans les métiers majoritairement occupés par des femmes, force est de constater que les campagnes de promotion sont plus rares. En effet, aucun souvenir d’avoir vu le pendant aux campagnes «C’est technique, c’est pour elles» sous l’égide d’un «C’est du care, c’est pour eux».

Rappelons ici que les actions positives, ou affirmative actions, destinées aux femmes, aux groupes minorisés, ont un objectif précis: prévenir ou compenser des désavantages dans la situation professionnelle, par exemple. Ainsi, dans le milieu académique, l’encouragement des candidatures féminines s’explique par le fait que la carrière professorale est semée d’embûches et se caractérise par un plafond de verre particulièrement épais. Alors qu’il existe de nombreuses candidates à un poste professoral, les hommes sont surreprésentés, y compris dans les domaines d’études où les femmes sont majoritaires.

A contrario, recruter un homme dans un métier dit féminin revient à le placer sur un escalier mécanique qui lui permettra de gravir très rapidement les échelons de la hiérarchie, sans devoir bouger le petit doigt dans la plupart des cas, ainsi que le montrent différentes recherches. Ce phénomène explique ensuite à son tour la surreprésentation masculine dans les postes dirigeants. Des postes qui correspondent aux représentations traditionnelles, un vrai homme ne pouvant pas occuper un poste de subordonné dans un domaine d’activité, de surcroît féminin.

Les mécanismes qui président à la rareté des femmes ne sauraient donc, en aucun cas, être comparés à ceux qui commandent celle des hommes. En effet, penser que les hommes doivent être traités, soutenus de la même manière que les femmes revient à considérer les situations des unes et des autres comme identiques. C’est faire fi du système de genre qui divise et hiérarchise la population en deux groupes de valeur différente, le féminin et ce qui lui est associé étant moins valorisé que le masculin, en outre considéré comme «l’universel».

Vouloir à tout prix donner la parole à un homme revient à introduire une opération de double symétrisation. D’une part, comme évoqué dans le paragraphe précédent, c’est faire fi des rapports sociaux de sexe et faire comme si femmes et hommes étaient dans des situations semblables. D’autre part, cela participerait à créer une illusion de similarité dans une réalité, l’accès à la parole publique, qui se caractérise par une forte disparité. La sous-représentation féminine dans les débats, dans les interventions expertes, est bien documentée.

Les discriminations à l’encontre des femmes sont plurielles, complexes et se recomposent sans cesse. C’est ce que rappelle année après année la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars. Avant de proposer une Journée internationale des droits des hommes, posons-nous la question: oserait-on proposer une journée des «Personnes blanches» comme pendant aux journées contre le racisme ou à la journée des réfugié-e-s ? Mettrait-on en œuvre des mesures d’encouragement pour ces mêmes personnes afin qu’elles postulent à des emplois occupés par des populations racisées?

Les hommes n’ont pas besoin d’une journée, car la leur a lieu tous les jours de l’année.

Les auteures sont investigatrices en études genre.

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