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La mobilisation pour le climat, un luxe?

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Ces derniers jours, des milliers de personnes ont défilé pour le climat dans plusieurs capitales européennes. Parmi elles, surtout des jeunes, brandissant des panneaux pathétiques, tels que: «Pourquoi continuer à étudier, si nous n’avons pas d’avenir». Des gens de tous les âges, y compris des retraités, un peu gênés de laisser aux générations futures un monde dans un état nettement plus dégradé qu’à leur arrivée. Les manifestations ont connu un grand succès dans 14 villes de Suisse, tandis que plus de 70 000 personnes défilaient dimanche dernier à Bruxelles. La mobilisation de collégiens et de lycéens pour protester contre le réchauffement climatique était partie d’Australie à la fin de l’année dernière. Suivie par la Suède, incarnée par Greta Thunberg, 16 ans, star du Forum économique de Davos où elle s’était rendue en janvier, après avoir manifesté chaque vendredi devant le parlement suédois. Hier (12 février), des étudiants français ont annoncé que la première grève pour le climat aurait lieu ce vendredi, pour se répéter ensuite chaque semaine.

Sous d’autres cieux, la lutte contre le réchauffement climatique n’occupe guère le devant de la scène. Ainsi, sur le continent africain, lorsque les élèves et les étudiants se mobilisent, c’est avant tout pour dénoncer les conditions difficiles dans lesquelles ils doivent étudier; avec des auditoires et des classes pléthoriques, des enseignants pas ou mal payés, régulièrement en grève, ou absents, pris par d’autres activités pour gagner leur vie. Dans la rue aussi pour limiter la durée au pouvoir et la prédation de leurs classes dirigeantes, lors de manifestations aussitôt réprimées. La lutte contre la vie chère mobilise également les foules, dans des pays comme le Niger ou le Gabon. Accaparée par d’autres préoccupations quotidiennes, la jeunesse, et plus généralement la société civile africaine, n’est pour l’heure guère mobilisée par le changement climatique. Ce combat est-il un luxe que les pays dits du Sud n’ont guère les moyens de mener, face aux innombrables autres défis qu’ils doivent relever en permanence?

Cela n’empêche pas les autorités de faire de grandes déclarations dans les enceintes internationales avec, à la clé, des demandes de compensations et autres appuis financiers pour lutter contre un changement climatique largement généré par les pays industrialisés. Lequel est déjà une réalité, avec des saisons des pluies et des saisons sèches qui ont changé, perturbant le travail des paysans, avec un temps des semailles et des récoltes en pleine mutation. Mais les pays européens et nord-américains, eux-mêmes en proie à d’énormes difficultés, tardent souvent à respecter leurs engagements financiers. Ceux-ci seraient-ils d’ailleurs investis à bon escient?

C’est que sur le continent africain, on assiste à une véritable ruée de l’agrobusiness avec la création de parcs et autres pôles agroindustriels; ainsi qu’à celle des géants du secteur minier et pétrolier qui investissent massivement dans des sous-sols encore peu exploités. Résultat: une pollution des terres, des sols et de l’air qui met à mal une biodiversité fragile, et des populations privées de leurs terres communautaires. Avec le risque bien réel de renforcer encore les changements climatiques présents et à venir. C’est ainsi qu’au Sénégal, par exemple, une nouvelle zone pour le développement économique et industriel va remodeler une partie du littoral, par la construction de deux des plus grands ports d’Afrique de l’Ouest. Grâce à l’engagement et les encouragements des bailleurs de fonds internationaux. Lesquels font, comme toujours, miroiter la création d’emplois pour les jeunes, des taux de croissance record pour sortir les populations de la pauvreté. S’il n’est pas certain que cette voie soit la plus adaptée, il ne fait par contre aucun doute que le prix à payer pour le climat et l’environnement sera rude.

* Journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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