Chroniques

Joyeux Noël et bon réchauffement!

Est-ce bien raisonnable?

Ces prochains jours, pendant les fêtes, la consommation va, comme chaque année, atteindre des pics. Des jouets pour les enfants, des vêtements «spécial réveillon», des cadeaux pour tous les goûts, enveloppés dans des kilomètres d’emballages multicolores. Leur point commun: ces produits sont pratiquement tous made in China et ont parcouru des milliers de kilomètres avant d’atterrir sous nos arbres de Noël; parmi ces derniers, les sapins artificiels de toutes les couleurs, fabriqués dans la zone économique de Shenzhen, grignotent résolument les parts de marché des résineux naturels.

Pour transporter ces millions de tonnes de marchandises depuis leur lieu de fabrication – la Chine et autres pays asiatiques, entre autres, où s’échinent des esclaves –, on trouve des porte-conteneurs de plus en plus gigantesques, qui assurent 80% de leur transport. Au mois de septembre, la France avait ainsi inauguré en grande pompe le Saint-Exupéry, le plus gros porte-conteneurs battant pavillon français, capable de transporter 20 600 conteneurs sur les océans. Paradoxe: alors que les délocalisations d’entreprises ont laissé des milliers de Français sur le carreau, c’est le ministre de l’Economie en personne, Bruno Le Maire, qui avait inauguré ce nouveau géant des mers. La consommation de produits agricoles ou manufacturés de proximité, pourtant moins dommageable pour le climat, demeure l’exception. Mais à quel prix?

C’est que le lobby des grands armateurs mondiaux – tels que Maersk (Danemark), Mediterranean Shipping Company (Suisse/Italie), CMA/CGM (France), China Ocean Shipping Compagny (Chine) – est tellement puissant que le coût environnemental du transport maritime n’est que rarement mentionné lors des grandes réunions internationales. Pas plus que sa part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre qui sont en train de détruire la planète. Le carburant utilisé par ces géants qui sillonnent les océans comporte pourtant 3000 fois plus d’oxyde de soufre que le carburant des poids lourds. Et chacun de ces bateaux pollue davantage que des centaines de milliers de voitures.
La 24e Conférence de l’ONU sur le climat (COP24) qui s’est achevée ce week-end à Katowice, en Pologne, a fini par ressembler, elle aussi, à une pathétique pantomime, émaillée de déclarations qui ne seront pas plus suivies d’effets que les autres, avec des pays dits pauvres attendant piteusement que les pays du Nord leur fournissent des fonds pour lutter contre le changement climatique, afin de mettre en œuvre des engagements non contraignants que personne ne respecte.

Partout, les Etats obnubilés par le chômage et la création d’emplois ne montrent aucun empressement à contrarier d’une quelconque manière le business mondialisé, pas plus que les investisseurs internationaux qui voudront bien s’installer chez eux. Avec un petit côté schizophrénique plus qu’inquiétant: d’un côté, les responsables politiques et les CEO des multinationales jurent la main sur le cœur se préoccuper de l’état de la planète, et n’ont que le terme «développement durable» à la bouche dans les forums internationaux. De l’autre côté, c’est business as usual avec à la clé, même si tous les voyants sont au rouge, des initiatives et des projets de développement économique délirants qui plombent encore davantage notre planète suffocante.

Alors, dans quelques jours, lorsque nos enfants entonneront leurs chants de Noël, nous aurons peut-être une petite pensée émue pour toutes celles et ceux qui, malgré ces vents mauvais, continuent à se battre à contre-courant, prennent des initiatives courageuses pour inverser la tendance, sauver ce qui peut l’être encore, afin d’éviter que les générations futures n’aient à affronter des températures insupportables, des tsunamis météorologiques qui emportent tout sur leur passage, une nature devenue folle, rendant invivable la planète Terre.

Opinions Chroniques Catherine Morand Est-ce bien raisonnable?

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