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COP28: l’impuissance actée

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Chaque conférence onusienne sur le climat illustre davantage l’impuissance dans laquelle le monde est plongé dans sa tentative de maîtriser le réchauffement climatique et ses dramatiques conséquences. Cela devient même une sinistre farce, depuis le choix même du lieu où les COP se déroulent année après année, jusqu’à l’avalanche d’annonces qu’elles lancent comme autant d’os à ronger à l’opinion publique pour masquer le fait que non, cette fois encore, aucune mesure à la hauteur de l’urgence de la situation ne sortira de cette réunion gigantesque, qui mobilise des milliers de personnes et la presse du monde entier.

Le choix même du lieu où s’est déroulée la COP28 qui vient de s’achever, Dubaï – cerise sur le gâteau, sous la présidence de Sultan Ahmed Al-Jaber, ministre émirati de l’Industrie, et chef d’un géant pétrolier –, est en soi un bras d’honneur planétaire à toutes celles et ceux qui s’ingénient à trouver des réponses au réchauffement climatique.

Faut-il faire semblant de s’étonner, de s’indigner si, après de tonitruantes déclarations sur la sortie des énergies fossiles, le texte final, une fois de plus, «accouche d’une souris», une expression exprimant la «disproportion entre un projet annoncé comme très important et l’inconsistance ou le ridicule du résultat final»?

Car enfin pouvait-il en être autrement, alors que nous sommes à ce point dépendant·es des énergies fossiles, que tout ce que nous consommons parcourt chaque jour des milliers de kilomètres par avion, porte-conteneurs, camion, avant d’arriver chez nous dans un gigantesque nuage de monoxyde de carbone, d’oxyde d’azote, de gaz à effet de serre? Si nous «sortons» du pétrole, que mangerons-nous, comment nous vêtirons-nous, comment glisserons-nous des jouets sous l’arbre de Noël alors que nous ne fabriquons pratiquement plus rien, que notre savoir-faire a largement été délocalisé en Asie et ailleurs, où triment des hommes et des femmes pour des salaires minables?

Quant à l’annonce dès le premier jour de débloquer un fonds «pertes et dommages» afin de «réparer» les dégâts climatiques dont les pays dits «du Sud» sont déjà les victimes – alors que leur responsabilité dans ce désastre est moindre que celle des pays dits «industrialisés» –, elle a fait l’objet d’une «ovation debout» et de commentaires dithyrambiques. Las. Les promesses similaires annoncées lors des COP précédentes n’ont jamais été tenues. Et si elles l’étaient, ces montants disparaîtraient aussitôt dans les sables mouvants de la prédation sans état d’âme dont font généralement preuve les classes politiques de ces pays.

Plutôt que de pleurer sur le brassage d’air sans résultat auquel les COP nous ont désormais habitué·es, je plaiderais plutôt pour traduire devant des tribunaux internationaux les responsables, pour une bonne partie, du désastre climatique qui met en péril la planète et l’existence même sur Terre: les artisans de la mondialisation avec, à la clé, des délocalisations massives à tous crins, des gains faramineux pour les entreprises, mais un coût environnemental gigantesque dont nous commençons à peine à percevoir les effets. Notre impuissance est en tout cas actée, et il faut d’ores et déjà demander pardon aux générations futures pour le monde que nous leur laissons.

Catherine Morand, journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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