Chroniques

La révolution culturelle de Pathé’O

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Faire une interview et, dans la foulée, songer à consacrer un livre à la personne interrogée tant elle est passionnante, c’est rare. C’est pourtant ce qui m’est arrivé lorsque pour la première fois j’ai tendu mon micro au grand couturier Pathé’O, dans son atelier du quartier de Treichville à Abidjan. Point de départ d’une belle aventure qui s’achève cet été, puisque le livre qui lui est consacré – que je signe aux côtés de plusieurs autres contributeurs et contributrices – va paraître en ce mois d’août 2023, avec des vernissages prévus à Zurich – où se trouve la maison d’édition suisse Patrick Frey qui publie l’ouvrage – et à Genève, avant Paris, Abidjan, Ouagadougou.

Pathé’O a donné ses lettres de noblesse à la mode africaine et inspiré plusieurs générations de stylistes. Ses vêtements qui valorisent la créativité et les tissus fabriqués localement sont portés par de nombreuses personnalités, mais aussi par Monsieur et Madame Tout-le-Monde, qui apprécient ces tenues en cotonnades légères aux couleurs vives convenant à leur teint et au climat.

Mais le grand couturier ne se contente pas de créer des vêtements somptueux, d’organiser des défilés flamboyants, de croiser les grands de ce monde. Non. Il a aussi l’Afrique à cœur et réfléchit beaucoup aux moyens d’améliorer la vie de ses habitant·es. Rien de ce qui concerne le continent ne le laisse indifférent. Lui qui voyage beaucoup sait tout ce que l’Afrique peut apporter au reste du monde. Pathé’O prône une véritable révolution culturelle pour que l’Afrique à laquelle il est si attaché puisse s’en sortir et que ses richesses, sa créativité et son savoir-faire soient valorisés.

Une révolution culturelle qui passerait aussi par la manière de s’habiller. En Côte d’Ivoire, les responsables politiques et les jeunes cadres dynamiques portent volontiers des tenues africaines, mais seulement en privé, durant le week-end. Dès le lundi matin, c’est en costume trois pièces de couleur sombre qu’ils roulent vers leurs bureaux climatisés. Au Burkina Faso en revanche, le tissu national «faso dan fani» tissé dans le pays s’est généralisé, toutes classes sociales confondues.

Au début de sa carrière, Pathé’O fait des merveilles avec du pagne wax, puis travaille ensuite progressivement avec d’autres matières telles que le bogolan, le kita et le faso dan fani, qu’il intègre à des tenues d’inspiration africaine revisitées sous un angle contemporain. Lui qui prône le «consommer local» regrette que le coton du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, ne soit pas traité sur le continent, et qu’à peine cueilli, il soit aussitôt emmené au port le plus proche pour être ensuite transformé sous d’autres cieux.

Le modèle d’entreprise de Pathé’O s’inscrit dans un environnement économique souvent incompréhensible pour les non-initiés, mêlant avec un art consommé les secteurs formel et informel. Et un sens aigu du marketing. Il est le seul couturier africain à avoir créé un réseau de boutiques aussi dense, à être présent dans la plupart des capitales du continent. Des dizaines d’hommes et de femmes travaillent pour Pathé’O, en Côte d’Ivoire et ailleurs. Nombre d’entre eux sont issus du secteur dit «informel» et fournissent leur savoir-faire artisanal. Pathé’O joue le rôle d’un chef d’orchestre qui organise l’alchimie entre tous ces petits métiers, afin d’aboutir à des créations mêlant parfaitement tradition et modernité.

A l’occasion du lancement du beau-livre intitulé Pathé’O, recouvert d’un des tissus qui a contribué à sa renommée, le grand couturier originaire du Burkina Faso sera présent en Suisse, à l’invitation des éditions Patrick Frey. 1> Vernissage du livre à Zurich, di. 20 août à 16h, Thema Selection, (Spiegelgasse 16) et à Genève, ma. 22 août à 18h, Galerie TCarmine (rue des Maraîchers 10 bis). Entrée libre Une belle occasion de rencontrer cette personnalité hors du commun, qui s’est toujours battue pour qu’en Afrique, les gens soient fiers de porter des tenues made in Africa.

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*Journaliste.

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